Projet Epsilon

Avant

Plus d'une fois, Méra avait manifesté son mécontentement, d'abord par des regards, et au fur et à mesure de son agacement, par des commentaires peu amènes sur les Sentinelles.
Mais celles-ci restèrent indifférentes aux piques de la fille aux cheveux rouges.

Finalement, bon gré pour Moah et mal gré pour Méra, on leur couvrit le visage d'une capuche épaisse, rendant vraiment impossible la perception du moindre détail.

La marche fut évidemment ralentie par la nécessité de les guider.

Puis finalement, on les fit s'arrêter. Si les yeux les empêchaient de percevoir leur environnement, ils n'étaient pas sourds pour autant, et des voix leur apprirent qu'ils étaient arrivés dans une communauté plus grande. Etait-ce celle des Wilds, ou un regroupement de Sentinelles ?

Il tardait à Moah que ce simulacre de sécurité cesse. Il sentait Méra au bord de l'explosion et ne doutait pas que cela serait du plus mauvais effet.

Des voix chuchotaient et il ne percevait par le sens de la discussion, mais en devinait la nature : on s'interrogeait sur ce qu'on devait faire d'eux.

Il serait bientôt fixé sur le sens de l'hospitalité des Wilds...

<< avant

J4, milieu de journée ?

La nuit a été longue et éprouvante. Nous comptons quelques disparus de plus, morts sans doute dans l’éboulement de notre bâtiment. Sur les trois, il ne reste désormais plus qu’un seul debout.

Il nous faut nous faire une raison. Si le campement inuk est une solution provisoire pour les familles et les enfants, nous allons devoir rapidement trouver un nouvel emplacement pour nous établir, recommencer encore, rebâtir sur les ruines de l’ancien monde, quelque chose qui il faut l’espérer, saura résister aux assauts de mère nature.

Certains murmurent que c’était sa volonté de faire disparaître ce qu’il reste des anciens bâtiments, pour mieux nous pousser à un retour à la nature, ne plus compter sur le béton, mais sur ce qu’elle nous offre, des refuges dans les arbres, proposent certains.
Mais je ne suis pas certaine que la solution se trouve dans les arbres. Certains ont du reste, pliés eux aussi sous l’assaut de l’eau qui s’est désormais retirée, laissant un sol détrempé, boueux dont s’élève une odeur nauséabonde de pourriture.  

- Nous trouverons un nouvel endroit pour nous établir, plus en hauteur, mais sur la terre ferme, peut-être d’autres bâtiments abandonnés.

Rork se tourne vers moi, silencieux. Il n’a plus guère parlé depuis le retour des amazones qui nous ont apporté une terrible nouvelle pour les survivants. La reine a disparu. Okoye a refusé de nous en dire plus. Mais de ce que j’ai compris, c’est lié à la catastrophe qui s’est abattu sur notre village.

Elle refuse d’autant plus de me dire ce qu’elles faisaient si loin du village, quels étaient les intentions de Zara en menant cette expédition. Ou peut-être qu’elle n’en sait pas davantage elle-même.

En revanche, elle m’a parlé de ceux qui sont intervenus pour les sauver, elle et les autres amazones, des atalantes dit-elle. Mais nous n’avons jusque là jamais entendu parler de ce peuple.
J’échange un regard avec Manuk. Serait-ce de nouveaux réfugiés venus de contrées plus éloignées à l’instar des Inuk de la tribu Asianuurlunga ?

Et d’après Okoye toujours, ils sont venus pour parler à un représentant des Wilds. Son regard s’appuie sur moi.

- Et bien… nous aviserons à leur arrivée, conclus-je.

Parce que pour le moment nous devons préparer ce qui reste de transportable pour emmener tout ça, au campement inuk. Une fois là-bas, nous pourrons envoyer des groupes de reconnaissance pour du repérage, et trouver un nouvel endroit où nous installer.

Et tandis que nous nous activons à préparer ce déménagement des plus insolites, récupérant ce qui peut être sauvé, particulièrement dans le bâtiment encore intact, nous percevons bientôt les sifflets des sentinelles qui nous préviennent qu’ils arrivent avec des étrangers.

Nous cessons bientôt toute activité, pour tourner notre attention vers le groupe qui débarque, avec en tête, Lingi. Celui-ci ne s’embarrasse pas de mots inutiles :

- Nous les avons trouvés à la frontière du territoire, ils disent avoir des informations importantes sur notre reine.

Les capuches sont retirées et aussitôt Rork fonce sur celui qui vient en tête et qui ressemble de façon saisissante à Pyro, un Wild désormais parti. Rork le bouscule, grogne telle une bête sauvage, et fait montre de toute son hostilité, avant de gronder d’une voix rauque et agressive :

- OU EST La reine ?? PARLE !!!!

Ses hommes s’approchent et encerclent désormais le petit groupe, pointant leurs lances, nombreuses autour de la fille rousse qui s’agite. Rork lui évalue toujours l’homme qui  lui fait face, aussi grand et costaud que lui, sa hache immense se balançant menaçante.

J’interviens, posant une main apaisante sur son bras.

- Peut-être n’est-il pas utile de les menacer ? ….Je souris, tant à Rork qu’au groupe qui vient de nous être amenés.

La question est une chance que je leur offre d’éviter de se faire démonter par le général des troupes Wilds qui n’attend que ça. Déjà nerveux en temps normaux, il l’est encore plus, surtout en ayant appris pour la reine.

Moah prend le temps d'observer les alentours. Les traces évidentes du drame qui s'était joué ici lui firent baisser la tête et soupirer.

Puis il fit un geste, lent, vers Méra.

- Quoiqu'il arrive, ne réagit pas Méra. Laisse-moi gérer cette partie. J'ai l'air de demander, mais en fait, et ils sont très rares, c'est un ordre. Tu-ne-réagis-pas.

Puis il se tourne vers le guerrier agressif. C'est un sacré morceau, et même pour quelqu'un comme lui, il force le respect, car il est loin d'être évident de pouvoir rivaliser en combat avec cet homme.

Enfin, son regard se fixe sur celle qui a paru avoir le pouvoir sur le guerrier, ou en tout cas assez d'influence pour qu'elle puisse être finalement celle qui s'exprime.

- Je sais où est la Reine. Loin de votre atteinte, et en situation très dangereuse. Je crois que vous appelez sa geôlière la "Reine des Abeilles". Cela signifie que vous pensez savoir où est la Reine. C'est une erreur. La Reine des Abeilles a appris de ses erreurs, et elle a un soutien... inattendu. Ils savent neutraliser les pouvoirs mutants, croyez-moi. Il se tait un temps, parce que son rôle dans tout cela vient fugacement dans ses pensées. Mais il n'est pas là pour prendre sur lui toute la responsabilité du désastre aquatique ici. - Les Atalantes ne travaillent pas pour la Reine. Mais elle nous tient, et je ne souhaite pas m'étendre sur ce qu'elle tient. Nous savons quel prix elle réclame en échange de la Reine. Je suis là pour vous l'indiquer.

Si quelqu'un peut lire les pensées/sentir les émotions:

Tandis que Lingi nous fait part de ce qu’il a appris, j’entends l’homme se tourner vers la rousse pour lui dire de ne pas réagir. Un peu comme je le fais l’instant d’après avec Rork qui s’énerve dès qu’il entend parler de la reine. Car je reste persuadée, pour le moment en tout cas que la discussion vaut mieux que les poings. Nous pourrons toujours aviser ensuite de ce qu’il convient de faire.

Mais mon sourire a tôt fait de s’évanouir quand j’entends le message de l’atalante. Je pâlis, laissant retomber ma main du bras de Rork. Ca faisait une éternité que je n’avais plus entendu ce nom maudit, et le reste du discours de l’homme me laisse de plus en plus perplexe.

Rork le secoue à nouveau, jurant et hurlant sa colère.

- N’essaie pas de nous endormir avec tes histoires. Ca veut dire quoi ça « situation dangereuse » ???
Il le menace désormais de son poing.

- Parle, et sois plus clair cette fois ou je te dévisse ta tête !! Je la ferai ensuite rôtir à petit feu avant de la manger ! Hurle-t-il encore.

Et pour le coup, je ne peux que lui donner raison. Le discours de cet Atalante est beaucoup trop nébuleux. Je m’avance, empêchant Rork de le frapper.

- Notre général a raison. Tu vas devoir être beaucoup plus précis si tu veux qu’on t’écoute. Sinon je ne pourrai plus rien faire pour toi.

Un coup d’œil vers Rork, appuie ma déclaration.

- Si tu sais où est la reine, tu dois nous dire oÙ exactement ! Et de quel soutien parles-tu ? Des alliés ? QUI ??  Et c’est quoi ce prix dont tu parles ?

Bien que pour ce dernier point, la question fait partie de celles dont je ne suis pas sûre de vouloir entendre la réponse. Tout ce que je souhaite désormais, c’est la tête de cette femme, encore là, toujours là après tout ce temps, et encore à nous créer des problèmes. Je pensais que les autres lui avaient réglé son compte à celle-là !!

La violence des réactions ne le surprend pas. Il se demande même pourquoi il est encore debout.

- Au moins, j'ai déjà une façon de vous parler, Général. Et avant d'espérer votre nom, madame, il me revient de nous présenter. Je suis Moah, le Chef des Atalantes, les mutants de l'eau qui font de la mer leur nouveau domaine. Elle, c'est Méra. C'est une Atalante, et puisque je suis chez les mutants, je peux le dire, une Mutante évoluée. Elle possède au moins trois mutations à ma connaissance, mais parfois je pense qu'elle en a plus.

Puis il soupire.

- Je comprends vos questions, vos doutes et votre colère. Je regrette de ne pas pouvoir vous en dire plus. Pas maintenant. Il y a beaucoup plus que vous, et votre Reine en jeu. Déjà, jamais je n'aurais dû vous parler comme je le fais. On attendait de moi et des miens que nous biaisions, vous mentions, nous intégrions à vous pour mieux vous manipuler. Mais entre mutants, je ne peux mentir : vous n'imaginez pas le risque que je fais courir aux miens en prenant cette décisions. Je peux réserver certaines informations, mais au moins ce que je vous dis n'est que vérité. Vous voulez sauver votre Reine. J'ai à cœur de sauver des mutants. Vous en faites partie. La réponse à tout ça...

Il ferme les yeux et respire très fort.

- Tout ça n'est qu'une première des agressions contre vous de la Reine des Abeilles... Elle cherche à contrôler une plus grande puissance, et votre Reine semble être la clef vers celle-ci. Néanmoins, tout peut s'arrêter, ou presque, si nous livrons à ses soutiens et appuis ce qu'ils veulent. Si nous le faisons, ses soutiens l'abandonneront. Alors, ce ne sera plus qu'entre elle et vous, et nous si vous acceptez qu'on se joigne à vous. Mais avant ce monde idéal, il faut d'abord donner quelque chose à ceux qui sont derrière tout ça et qui manipulent la haine de la Reine des Abeilles à votre encontre.

Je n'arrive plus à me contenir.

- Bon alors là, ça me pète les ovaires. Je tiens à préciser que je suis personnellement opposée à son idée à la con de vous dire la vérité. Ce serait moi, je n'en ai rien à secouer de vous tous. Seuls m'intéressent les miens ! Mais bon "The chef" a décidé de jouer une fois de plus au bon samaritain... Je vous laisse juge.

En retrait j'observe les nouveaux venus. Les Atalantes ? Je secoue la tête négativement à l'intention de Syragane. Je ne les connais pas et ce nom ne m'évoque rien. A les voir il me semble évident qu'ils ne viennent pas du Nord et des contrées froides. Ce sont les eaux qu'ils se sont appropriés et chez nous - ou ce qui était chez nous avant - il n'y a que de la glace. Rork est sur les nerfs, la disparition de la Reine est un rude coup et il n'a jamais été connu pour sa mesure. Si la situation n'était pas aussi grave, j'en sourirais presque en me rappelant notre arrivée ici, avec à notre tête Amarok.

La mention de la Reine des Abeilles m'atteint plus surement que tout autre révélation. C'est à cause d'elle que nous somme là, c'est elle qui a poussé les Loups vers nos territoires, qui volent nos hommes et nos enfants, qui envoute et qui perverti. Sans la femme-musique il n'y a pas d'espoir. Nous l'avons cherché des mois durant sans succès. Et enfin, comme si Nanuq avait entendu mes prières, voilà quelque chose qui bouge. Mon cœur s'est mis à battre plus fort et je m'ancre au sol grâce au manche de ma sagaie. Mon regard va de la femme rousse à l'homme, puis à Syragane près de Rork. Je ne me sens pas faire ce pas en avant, et pourtant

"Je suis Manuq Tuurngait du Peuple Asianuurlunga. Nous sommes alliés avec le Peuple Qalipaavoq. Nous descendre du Nord il y a six saisons à cause les Taaq. Je crois Amarok - notre chef - devrait parler aussi avec vous. "

La nouvelle du retour de cette garce de reine des abeilles n’a rien fait pour me mettre dans les meilleures dispositions envers ces étrangers, atalantes, ou peu importe ce qu’ils sont finalement. Ce que je comprends c’est qu’ils sont les instruments d’Audrey. Ce qui fait que je n’ai nulle envie de me montrer aimable envers eux.

De plus les paroles évasives de celui qui se dit donc leur chef, n’aide en rien ma patience pourtant grande d’ordinaire. Aussi quand il s’égare dans des présentations tant de son rang que de la mutation de la rousse qui elle ne manque pas d’afficher son hostilité, ça ne fait que m’irriter davantage. Essaie-t-il de noyer le poisson ??

Un sacré gros poisson. Donc Manuq avait raison, la rupture du barrage n’avait rien d’accidentel. Je crispe mes poings, ravale l’amertume qui fait naître des mots de colère à cause de tous ceux que nous avons perdu ! Et si mon visage affiche cette colère, mes yeux brillent de larmes pour Leila, pour Ziva….pour tous les autres aussi. Sans oublier Caleb que cette folle furieuse a fait assassiner.

De fait je ne m’attendais pas à ce que Manuq prenne la parole. Mais si lui semble se fier à cet homme, ce n’est pas mon cas, et ce n’est pas non plus celui de Rork, quoique lui, à qui peut-il encore se fier désormais ? Alors que sa reine a été enlevée ? Et que le sorcier s’est volatilisé, nous abandonnant à notre sort. Mais….nous ne sommes pas dépourvus de ressource pour autant. Et je sens une pensée me frôler, rassurante, forte, animale….

J’interviens à mon tour, sans bouger de ma position, le regard défiant celui qui me fait face.

- Je suis Syragane, Sœur des Wilds et leur voix désormais. *ma voix*. ….

Je sens sur moi le regard de tous les autres qui se sont amassés autour de nous, dont celui intense de Rork qui pourtant ne cherche pas à contrer ma déclaration. Il m’écoute, ils m’écoutent tous.

- Ton discours est enrobé de fumée et de non-dits. Mes paroles seront plus claires. Tu es envoyé par elle, et tu prétends dire la vérité ? Alors moi aussi je vais te dire la mienne, elle se résume à une seule question : es-tu notre allié, toi et ton peuple d’atalantes, ou notre ennemi ?

Je m’approche un peu plus, mon regard brillant d’un éclat particulier, ma voix se faisant plus douce, plus venimeuse, enrobée de ce parfum qui signe ma mutation.

- Qui sers-tu en venant ici ?

[hrp : +1 réussite en standard]

Le con ! Il va tout balancer juste pour les beaux yeux de la blondasse !

Il y a assez d'eau ici.

Je draine en un clin d’œil ce dans quoi nous pataugeons, et l'assemble en une boule contact que je lui jette au visage. Moah titube, tombe à genou au sol.

- C'est des façons ça d’accueillir des Mutants chez vous ? Le Roi des Mers, putain, ça vous parle ou je vous fais une leçon ?

Je m'approche de la blonde.

- Toi, tu lui rejoues le coup des yeux papillonnant et je te jure que je te noie.

- Méra, arrêtes !

Devant l'onde d’agressivité qui traverse le groupe devant lui, Moah tape du poing dans la boue et se relève. Il vient se placer entre Méra et celle qui s'est exprimée au nom des Mutants de Seatlle, ce qui le positionne quasiment corps contre corps contre la jeune femme blonde.

- Méra est... Elle est ce qu'elle est. Ses colères sont à hauteur de ses talents. Pardonnez ses mots, s'il vous plaît. Nous sommes tous sous pression !

Il soupire en fermant les yeux.

- Vous m'avez fait quelque chose. J'allais vous dire des choses que je ne souhaite pas encore vous dire. Est-ce vraiment ainsi qu'on se traite entre mutants ? Comme le fait le reste de l'humanité ? Sommes-nous leur devenir ou le pire d'eux ? Bon sang, est-ce qu'on peut laisser tomber les ego de chacun et aller à l'essentiel ? Vous voulez votre Reine et sûrement vivante. J'ignore ce qu'elle connaît, mais ayant rencontré la Reine des Abeilles, je peux vous dire qu'elle est terrorisée par une sorte de prédiction, enfin je ne sais pas comment appeler cela. Et elle est déterminée à ce que votre Reine lui crache le morceau à ce sujet ! Et nous, ... Nous on a aussi des inquiétudes. Je ne veux pas en dire plus et j'apprécierai qu'on ne m'y force pas. Simplement, je peux répondre à votre question : nous ne sommes pas du côté de la Reine des Abeilles. Ce qui ne signifie pas que nous soyons du vôtre. Simplement, nous sommes du côté de ceux qui nous permettront de nous sortir de la situation dans laquelle mon peuple se trouve. Je... Je voudrais vous en dire plus mais...

Devant le regard noir de Méra, il se tait. Puis il jette son regard dans celui de la jeune femme blonde.

- La solution est à Vashon Island. On ne peut pas y aller seul...

Je sentirais presque le pouvoir de Syragane se déployer pour avoir la vérité et la réaction des deux Atalantes ne se fait pas attendre. La rousse cachant dans un accès de violence ce que leur chef allait enfin révéler. Je fais un pas en avant, me plaçant près de Syragane pour la protéger de la furie rouge tandis que l'homme avance dans le même mouvement pour retenir sa compagne que je mets en garde d'une seule parole grondante d'ours mal léché

toi plus menacer Arnaqnujaitqtatqi

Les demi révélations de l'homme me font dresser l'oreille.

Ici nous survivons grâce à dons. Vous venir et pas vouloir vraiment parler, vouloir aide mais pas vraiment alliés ? Demi-vérité est pas vérité. Demi-vérité donne méfiance en retour.

Je hausse les épaules, bien carré sur mes pieds, attentif à une éventuelle riposte physique. Le nom de Vashon Island ne m'évoque rien mais je peux lire sur le visage de Syragane qu'il lui parle très bien. Je lui demande, non sans inquiétude, sensible à la tension dans l'air.

Quoi c'est Vashon ?

Je ne connais pas ces gens, j’ignorais même l’existence des Atalantes à ce jour. Qui plus est, l’attitude de la fille autant que les façons de ne dire les choses qu’à moitié de l’autre, m’agacent prodigieusement.

Manuq intervient avant que je n’aie eu le temps de leur dire ma façon de penser. Et il résume parfaitement la situation, ce qui me permet de redescendre un peu en pression. Jusqu’à ce que le nom de Vashon soit évoqué. Je me raidis, le corps entier rejetant l’idée d’y retourner, refusant de me laisser submerger par mes souvenirs là-bas, avec Caleb,….avec Joshua.

- Vashon est le territoire de la Genom. Ils ont ignoré tous les problèmes qui ont eu lieu suite à l’invasion de la horde, interdisant l'accès chez eux à tout réfugié. Ils sont restés enfermés sur leur île et à vrai dire, nous pensions que depuis ils avaient tous déserté jusqu'à aujourd'hui.

Mais Bon sang !! Pourquoi il faut que cette Garce de reine des abeilles revienne foutre en l’air tous ces derniers mois de paix ?? J’ai refait ma vie ici, j’ai élevé ma fille, j’ai rencontré Manuq et toute sa tribu et…..en quelques instants, tout a été balayé, à cause d’ELLE.

Puis celle que je suis devenue, ici chez les Wilds, reprend le dessus.

- Et ici, vous n’êtes que des étrangers sur le territoire Wild. Je n’vous dois absolument rien.

Elle s’attendait à quoi ? à ce que je me plie en quatre pour son roi ? Ils ont de la chance de s’en être sortis en vie jusqu’ici. Parce que la réputation des Wilds pour leur sens de l’hospitalité est connue dans tout Seattle. Surtout que comme l’a dit Manuk, avec les déclarations de cet homme, ils ne font que nous rendre plus méfiants encore. La preuve en est, l’attitude visiblement hostile de Rork qui sert sa main sur son arme. Il n’attend que le geste de trop pour réduire au silence tant la rousse que l’autre.

Je me tourne vers Moah :

- Et si vous avez des objections vis-à-vis de nos mutations, c’est que vous n’avez rien compris à ce don qu’on nous a offert. Il fait partie de nous, tout comme le don de sentir ou de voir, et jamais, JAMAIS il ne doit devenir quelque chose dont nous devrions avoir honte. Ton discours, roi des Atalantes ressemble un peu trop à celui des autres qui nous reprochent d’être des mutants, d’être ce que nous sommes.

Voilà qui crée une frontière nette entre son peuple et les nôtres.

- Pour l’instant, nous devons nous déplacer vers le campement Inuk.

Je regarde Manuq, mon ton se radoucissant un instant.

- Si tu penses que ton chef souhaiterait leur parler, ils peuvent nous accompagner jusque au campement, si tu es d'accord.

Manuq nous guidera tandis que Rork et ses guerriers nous suivront, surveillant attentivement nos « invités de marque ». Inutile de les prévenir qu’au premier geste de travers, Rork se fera un plaisir de les remettre au pas.

Moah soupira une fois de plus. En même temps, comment avait-il pu penser que ce pourrait être simple, quand il se présentait en donnant l'impression d'être du mauvais côté.

Il fallait reconnaître que l'intervention de Méra n'avait pas aidé non plus. Mais il continuait de préférer l'avoir à côté de lui que loin.

Fallait-il qu'il expliquer pourquoi ils étaient là ? Il trouvait que c'était trop tôt. Quelqu'un, ou quelques-uns ici avaient trahi les leurs pour permettre l'accès au barrage, et il ne savait pas qui - ou lesquels. Parler maintenant de ce qui faisait qu'ils étaient contraints de suivre les "ordres", c'était courir le trop grand risque que ses paroles parviennent à ces derniers. Et il était certain qu'ils n'hésiteraient pas à mettre à exécution leurs menaces.

Bref, pour l'instant, il ne pouvait que se plier à leurs exigences, en espérant finir par les convaincre. Sinon tout serait, de toute façon, perdu.

Par chance, l'intervention de l'étrange individu avait ramené un peu de calme au milieu de la tension. Il ne savait pas qui était cet homme au langage particulier, mais il sentait qu'il pourrait peut être mieux comprendre - sans avoir besoin d’explications - l'urgence de l'entraide entre mutants.

Il jette un regard vers Méra. Il la sent tendue, mais au moins, on ne cherche pas à leur attacher de nouveau les mains et surtout leur couvrir les yeux. Par son regard, il tenta de lui faire passer ses pensées. Mais elle détourne la tête. Elle n'est toujours pas d'accord avec son plan... Pourvu que personne ne la pousse trop : elle serait capable de tout lâcher, incapable de tenir la pression quant à la menace qui pèse sur eux.

La situation était devenue vraiment compliquée.

Il fallait attendre qu'elle s'améliore.

Il suit donc la direction qu'on lui indique, derrière l'étrange personnage qui avait, pour l'instant, calmé le jeu.

Je hoche la tête pour Syragane et nous achevons les préparatifs pour partir vers le campement. Les sont lourdement chargés et ce ne sera pas simple de les manœuvrer dans la forêt devenue une sorte de mangrove avec le reflux de l'eau. A présent les animaux survivants doivent être affamés et vont chasser, ce n'est qu'en restant bien groupés et vigilants que nous les éloignerons. Les embarcations avec les enfants et les blessés sont encadrés des chasseurs. Nous formons une bien piètre troupe qui me rappelle - malgré la chaleur - les rudes moments au cœur de la Famine, quand les Asianuurlunga ont entrepris le Grand Voyage pour venir ici. Je rumine les paroles de l'homme Atalante à propos de la Reine des Abeilles. "elle est autant otage que nous." "des gens qui la manipulent" A-t-il dit. Otage de qui, de quoi ? Il y a là un mystère mais je ne sais pas s'il peut être à notre avantage. Amarok saura.

Alors que le convoi s'enfonce dans la forêt inondée, je reste avec Syragane, craignant encore plus que les élans colériques, que le Grand Serpent ne tente encore de venir la contacter mais aussi parce que je me suis souvenu de ce nom Vashon. "Je souviens. Vashon, c'est l'ile du père de ta petite fille" dis-je en éludant le prénom de l'enfant comme les Inuks ont coutume de le faire puisque les enfants ne sont dans notre culture que nommés à 6 Qau. "Je croyais île vide." Après un silence, je ne peux pas empêcher ma voix de vibrer d'espoir "Peut-être qu'Imala Aishasha est là bas ? "

L’homme soutient mon regard mais ne répond rien, comme résigné, mais je suis méfiante et je le resterai jusqu’à preuve du contraire. Quoiqu’il en soit, nous n’allons pas rester là. Nous avons des blessés parmi nous et il nous faut sauver ce qui peut être encore sauvé, emmener nos vivres jusqu’au campement inuk.

Manuk est d’accord alors très vite, on se remet en route, transportant blessés, et vivres dans les canots qui sont traînés sur un sol devenu marécageux.  Rork et ses guerriers, ainsi que les amazones ferment la marche. De temps en temps je lance un regard à Okoya mais son visage reste de marbre. Difficile de deviner ce qu’elle pense de tout ça.

Quant à Manuk, il revient bientôt à ma hauteur, calquant ses pas sur les miens avec ma cheville blessée, mais désormais solidement pansée par les bons soins de Shuri, la douleur se faisant bien plus diffuse grâce aux herbes de Ruby et au bâton que j’utilise pour m’aider.

Sa question me prend de cours. Il n’a pas oublié le peu de choses que j’ai pu lui raconter sur le père d’Elora et sur l’endroit où nous avons vécu, avant que tout ça ne soit plus que des souvenirs que j’ai rangé dans un coin de ma mémoire.
Mon expression se fait plus sombre. Je n’aime pas me replonger dans cette partie de ma vie que Joshua n’a pas hésité à jeter, nous abandonnant Elora et moi. Je me contente d’acquiescer à son affirmation avant de répondre au sujet de l’île.

- Je le croyais aussi. Nous n’avons plus jamais entendu parler de la Genom, ou de ses autres membres. Nous avons fini par penser qu’à part les occupants de Mercer Island, nous étions la dernière guilde encore existante, bien que ce système soit devenu obsolète je suppose…..

Je me rends compte que mes paroles doivent paraître un peu compliquées pour Manuq.

- C’était l’ancien système qui gouvernait ce pays, composé de plusieurs guildes, comme des tribus, avec un seul chef à sa tête. Mais l’arrivée de la horde a tout fait voler en éclat. Je croyais qu’il en allait de même pour la Genom. Je croyais qu’ils avaient tout abandonné.

Comme Joshua l’avait fait.

- Ou peut-être est-ce ce qu’ils ont fait ? Je ne sais pas du tout ce qui peut se trouver là-bas aujourd’hui. J’ignore ce que ce roi espère y trouver et… si nous devons y aller.

Je vois alors l’espoir dans le regard de Manuq, tandis que le mien affiche le dépit :

- Tu parles de la femme qui fait la musique…. Peut-être qu’elle est là-bas, peut-être pas. A vrai dire je ne sais pas si on peut croire la moindre parole venant de cet homme dis-je tout bas, avec un regard méfiant pour le principal intéressé.

Après tout, nous savons tous ce que la reine peut faire à ses ennemis grâce à sa mutation. La méfiance reste donc de rigueur.

Imala Aishasha, c'est pour la trouver que nous sommes venus ici. C'est aussi pour échapper au Taaq et au Grand Hiver, mais nous avions l'espoir de trouver la femme qui fait de la musique. Amarok Isha nous a mené ici pour cela et pour mêlé nos forces à celles du Peuple Peint. Mais nous n'avons pas trouvé Imala Aishasha et nous nous sommes trop reposés sur ce que notre nouveau territoire pouvait nous offrir. J'ai brutalement le sentiment que nous avons oublié aussi bien notre objectif que nos racines. Et voilà qu'Unnuatuinnaq se rappelle à nous. "Peut-être prophétie crainte par Unnuatuinnaq est prophétie de la femme musique. Amarok Isha saura. Et si Amarok veut, je irais avec les iqaluk sur Vashon."

Nous avançons toujours, lentement certes, mais nous progressons. Manuq me parle alors de sa prophétie, celle de la femme musique. Ce qui me laisse plutôt pensive, avant de l'entendre déclarer que si son chef souhaite qu'il s'y rende, il ira. Je n'ai alors qu'une seule question à lui poser.

- tu iras...ok, et moi ?

La question me surprend et je tourne la tête vers elle d'un air interrogatif. "toi tu fais quoi si tu veux. Tu méfies les iqaluk et je comprends. Je méfie aussi mais je crois c'est important. Alors ton choix, tu viens ou tu viens pas. Je pas choisir pour toi. Si tu viens, pas inquiétude, Sedna et Onartok prendre soin des enfants"

Ce climat de suspicion commence sérieusement à m'irriter.

- Hé ! La blonde et le peinturluré ! Vous allez cesser vos messes basses et nous dire où on va ? Et quand on va se bouger le cul pour résoudre le problème ? Parce que le côté visite touristique, je m'en branle !

Je déteste tout ça, voir mes souvenirs ressurgir bien malgré moi, ce que je ressens, et plus encore, je déteste devoir être encore séparée d’Elora. Pourtant….je sens que je ne pourrai jamais le laisser aller seul là-bas, après tout de nous tous, je suis celle qui connait le mieux l’île. Même si j’ai en horreur l’idée de retourner là-bas.

Ma décision est de toute façon déjà prise. J’avais seulement besoin d'une confirmation.

- Je viens avec toi, je connais Vashon mieux que vous tous ici. Seulement promets moi que si on retrouve cette garce, cette fois, on ne la laissera pas s’en sortir.

Et voilà que la rouquine se mit de nouveau à vociférer, mais à peine a-t-elle terminé que Rork arrive derrière elle et l’assomme d’un bon coup du manche de son arme.

- Cette femme parle beaucoup trop !

Et aux autres, il ajoute avec un sourire mauvais.

- On va pouvoir avancer maintenant.

Et il s’applique à l’attacher, à commencer par un bâillon qu’il noue solidement pour la soulever comme si elle ne pesait pas plus lourd qu’une plume.

Déjà qu'il ne contrôlait plus grand chose, mais là, la situation venait de lui échapper...

D'un côté, il était soulagé que le grand colosse ait assommé Méra, de l'autre, il savait comment elle réagirait lorsqu'elle reprendrait connaissance.

Il ne lui restait plus qu'à espérer que les mutants du barrage se décideraient avant ce réveil... S'ils étaient moins, il pourrait gérer.

Si tant est qu'il puisse reprendre un semblant de contrôle.

Je secoue la tête mais je pense surtout que si nous trouvons Unnuaq, il vaudrait mieux que la femme musique soit avec nous. Je n'ai pas envie de faire des Ungas avec les créatures de l'Abeille !!

C'est d'un air horrifié que j'assiste à la scène mais je n'en suis pas vraiment surpris. Il a eu beau se passer des saisons, je me souviens de notre arrivée et de l'accueil plus froid que la banquise que nous avions reçu dans les premiers temps, et de la part de la Reine, et de Rork. La rouge va être aussi furieuse que sa chevelure. Je grogne, mécontent et inquiet. "Allons vite. Destination est village Inuk. Seulement le dire..." Il n'était pas bien nécessaire de l'assommer, seulement de répondre à sa question et de la laisser vociférer. Un coup d'œil vers l'homme me dit que c'est ce qu'il fait habituellement et que ça doit fonctionner. C'est un peu comme avec Sakari, mieux vaut la laisser récriminer sans répondre car chaque parole envenime sa répartie. Comme l'homme Atalante ne semble pas vouloir défendre sa femme, nous continuons le chemin.

Avec les pluies, il nous faut plusieurs heures à marcher, naviguer, patauger, pour rejoindre le campement des inuits situé sur la rive ouest du Green Lake. Quand enfin nous arrivons, nous sommes crottés des pieds à la tête et exténués. Les membres de la tribu se portent vers nous pour nous aider à tirer les embarcations jusqu'aux Iglu de peaux qui ont remplacés ceux de glace. Les questions fusent en même temps que chacun aide son prochain. Irniq, mon fils de 5 Qau bondit vers moi en jeune ourson vif et je l'attrape au vol, ravi de le retrouver tandis que je demande "Où est Amarok Isha ? Nous devons lui parler."

Je me tourne vers les invités/prisonniers et particulièrement l'homme vu que la femme est toujours saucissonnée "Nous voir Amarok Isha, vous dire Loup protecteur. Heu... si libérons la femme rouge, elle calme ? Ici chez les Asianuurlunga venus des banquises sur terres du Peuple peint pour trouver remède contre unnuatuinnaq, vous dire Reine des Abeilles. "

Calme ? C'était un mot que j'ignorais.

Surtout quand... Rien que l'idée me fit rugir intérieurement.

Je me concentrais.

Rassemblant l'eau de son corps, je la fis remonter dans la gorge du guerrier qui avait osé s'en prendre à moi.