Projet Epsilon

Avant (la veille)

Ils étaient partis au petit matin avec Méra.

Se glisser dans l'eau fraîche de la baie avait été un plaisir, et ils n'avaient pas hésité à s'allouer un peu de temps pour profiter de l'eau, même si elle restait chargée de ce que l'eau des lacs avait drainé en venant s'y déverser. Il faudrait encore un mois avant que tout ne commence à se poser sur le fond. Les flots restaient agités, malgré la fin de l'événement. L'évolution du climat et son impact sur les courants au nord de cette baie se faisaient sentir. Les habitants de Seattle s'en rendaient-ils seulement compte ?

Finalement, ils avaient fini par se diriger vers la terre ferme.

Après un temps de discussion pour se caler sur les réactions qu'ils devaient avoir selon ce à quoi ils pouvaient être confrontés, ils s'enfoncèrent entre les immeubles en ruines, sans doute vides, qui se dressaient, tels des spectres, le long de routes encombrées de déchets et de restes de la civilisation humaine.

Méra marqua son mépris à plusieurs reprises. Moah le savait : elle détestait les humains et encore plus les Cyborgs et autres. La faute à la guerre, la faute à l'année d'enfermement par l'armée de SF qui les avaient pris, tous, humains et mutants, pour des cobayes. La faute au mépris des humains de WE. Comme tout animal, quand le danger venait, chacun se rassurait en ne défendant que ce qu'il était. Il avait souvenir de cette marche, de cette bataille avec les forces religieuses. On lui avait dit des extrémistes. Lui, il n'y avait vu que des fous. Et Méra que des Humains, la race à détester et à éradiquer, car elle portait déjà l'Apocalypse sur ses épaules. Les Mutants, eux, selon Méra, étaient vierges de toutes fautes envers le monde. Alors il était naturel que désormais le monde leur appartint. C'était une vision.
Mais c'était oublier que les mutants n'étaient pas une race à part. Dans le fond, ils étaient humains, avec les mêmes perversions, et les mêmes forces. Le pire était que les unes comme les autres étaient décuplées en effet par les pouvoirs qu'ils possédaient. Les Mutants étaient-ils si différents des humains finalement ?

Cette question en tête, il est sans doute un peu moins vigilant...

Ils avaient été prévenus. Il ne fallut pas longtemps avant que des Sentinelles ne les repèrent et finalement les encerclent.

Moah fait un signe à Méra pour lui rappeler de rester calme, puis il lève les mains.

- Je me nomme Moah et celle qui m'accompagne se nomme Méra. Nous sommes ici pour rencontrer votre chef. Je suis moi-même le chef des Atalantes, les Mutants de l'eau, Peuple Souverain des Mers.

Il attend un peu. Il sent bien comme un vent d'hésitation.

- Nous avons porté secours aux amazones, coincées sous les eaux. Okoye elle-même m'a prévenu qu'il serait difficile de vous convaincre. Je n'ai même pas réussi à la décider à se joindre à nous. Elle était trop empressée de regagner vos terres et elle pensait sans doute que nous la retarderions. S'il le faut, prenez le temps de lui envoyer des messagers.

Il marque encore un temps de silence, pour que l'information imprègne bien les Sentinelles.

- Mais je ne lui ai pas dit quelque chose : nous avons des informations importantes sur votre Reine.

Et il se tut, toujours mains levés, tournant légèrement sur lui-même pour que tous le voient.

Il attendit leur réaction.

Les Sentinelles débâtirent quelques temps. En fait, longtemps.

Et puis finalement, l'un d'entre eux sembla avoir une réponse.

Je vous lie les mains et à un moment, je devrais vous bander les yeux. Si vous acceptez, on part maintenant. Sinon, faites demi-tour.

Moah échange rapidement un regard avec Méra et lui met la main sur son poignet. Elle était déjà en train de s'agacer de la situation.

- Votre terrain, vos règles. Ma campagne est nerveuse quand elle ne voit pas ce qui lui arrive, mais elle prendra sur elle. Allons-y.

Les Sentinelles haussèrent les épaules à la mise en garde de Moah. Ils comprirent cependant qu'il était d'accord et ils leur lièrent les mains, avant de s'enfoncer dans les rues désertes de Seattle, au milieu des bâtiments abandonnés, silencieux.

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