Projet Epsilon

- « Je vous l'ai dit, ma maman m'a appris beaucoup de choses. Mais elles ne me reviennent que lorsque quelque chose me connecte à son savoir. Et vous savez ? L'idée de cette expédition, c'est un peu cela : avancer assez pour raviver ma mémoire. Et puis, même si TZ vaut pour "toute zone", et 53 pour le nombre de prototypes avant la production, le TZ 53 est un modèle de base. Assez décevant et inefficace en souterrains, il est surtout utilisé en extérieur. Dans les tunnels et souterrains - oui parce qu'on va aller sous terre, ça je me souviens - il y aura sûrement autre chose. Donc on apprendra en avançant. Le tout, c'est de ne pas tomber sur un modèle V. Tiens, j'ai des informations qui me remontent, même si limitées. V pour vigilant, le numéro indiquant, lui, le nombre de cibles qu'il peut traiter en même temps. Pour les numéros de série, c'est comme pour les TZ53 en fait. De mémoire, ils en étaient au V4 mais avaient des difficultés. Ce n'était pas une question de logiciel, mais de servomoteurs. Les japonais en font de très mauvais et pas assez rapides. Avec un V3 déjà, vu qu'on sera trois : vous, moi et le corbeau, aucune chance. »

Une idée me passe alors en tête. Je me tourne vers mon amie.

- « Tu es vraiment sûre que tu ne veux pas descendre par la porte avec nous, Mattie ? A quatre, au moins un d'entre nous aurait une chance. »

Devant sa moue, je comprends que j'ai oublié de parler des cerf-volants.

- « Sinon, les cerf-volants, ou même ces miroirs, cela me semble des leurres intéressants. On verra à l'usage, mais puisqu'on ne sait rien, autant prendre tout ce qui nous passe par la tête. Je trouve tout cela intellectuellement très excitant, pas vous ?»

« Intellectuellement excitant ? » Certes…

Mais il aimerait bien « humainement » sortir vivant, enfin s’il est véritablement à la fois humain et vivant, il ne sait pas trop comment un « nu » définirait ce qu’il est, mais lui se sent parfaitement vivant, et doué d’une longévité exceptionnelle par rapport à beaucoup, ça ne veut pas dire qu’il va risquer sa vie de façon inconsidérée, surtout dans un environnement où il risque de manquer de ressources pour se régénérer.

Il est vrai que Mattie…

Il n’est pas certain du tout de pouvoir tirer quoi que ce soit de Satisfaction s’il venait à être blessé… Même en la sacrifiant, en admettant qu’il y parvienne, ce dont il doute. La rousse par-contre serait un plus. Il abonde dans le sens de la blonde « Tu es sûre de ne pas vouloir venir ? Tu pourrais même amener ce pote dont tu parles ? Judeo ? S’il est dégourdi et sait combattre ça serait parfait ? ». Plus on est de fous plus on rit hein… Et si les trucs touchent 3 ou 4 cibles, ça fera toujours des medocs pour lui…

Il résume :

« En clair, on ne sait rien si ce n’est qu’on va se torturer les méninges, découvrir au fur et à mesure de la progression -en admettant qu’on progresse- et descendre dans des sous-sols… On a une vague idée des trucs qui se baladent en surface, mais aucune de ce qui traîne sous-terre… »

Histoire de se faire mal il demande « Quel est le pourcentage de réussite pour chacun d’entre nous ? »

Je réfléchis quelques secondes à la requête de monsieur Corbeau et souris en hochant la tête.

- Oui mais il va falloir me laisser quelques heures pour ça.

Et miss Satisfaction semblait plutôt impatiente de se jeter dans la gueule du loup. Quoique peut-être qu’elle ne courrait pas les mêmes risques, étant donné que je soupçonnais avoir affaire à une cyber évoluée, du type de celle dont j’avais entendu parler quand je n’étais encore qu’une petite esclave chez les théocrates : le super croquemitaine des cybers, terminator n.666ème du nom, ou quelque chose dans ce goût-là.

Pour l’histoire de miroir par contre, la requête me laissa perplexe avant de comprendre où monsieur Corbeau voulait en venir, une cape à la Harry Potter en quelques sorte, ou un bouclier d’invisibiilté façon héliporteur du Shield ! oui vous savez le super vaisseau qu’on pouvait voir dans le film Avengers … pour ceux qui avaient eu la chance de le voir… BREF! De quoi passer inaperçu, ou pas…. Ca valait la peine d’essayer, mais je n’étais pas sûre qu’ils aient droit à beaucoup d’essais. Là était le problème.

La remarque qui s’en suivit de la part de notre inconnu, me laissa tout autant perplexe que le reste. Les pulsations d’un cœur ? Que voulait-il dire par là ? Mais le nom qu’il me donna me fit oublier ces considérations et ma foi, je n’osai m’aventurer à le prononcer, sûre que j’aurais massacré le dit-nom, et quel nom. Il fallait se remplir la bouche d’olives pour parvenir à le dire correctement. Aussi fus-je soulagée du surnom qu’il me proposa.

- Ahh enchantée, Val !

Mais loin de ces préoccupations de savoir-vivre, Satisfaction nous repartit sur un discours sur les cybers et j’échangeai un nouveau regard avec Val. Avant de me demander si j’étais sûre de ne pas vouloir les accompagner dans la ville. Je fis un sourire soupe à la grimace à ses pronostics, répondant en même temps à Val qui semblait aussi vouloir que je vienne. Mouais moi j'étais  le porte-guigne pendant qu'eux s'en tireraient. Nan merci!

- Haha une chance sur quatre, non merci ! Surtout que la chance et moi ça fait deux. Et mon petit doigt me dit que tu es celle qui aura le plus de chance de s’en sortir. En revanche, j’veux bien vous accompagner jusqu’à ta porte, enfin à distance, faudrait pas que leurs cybers tirent sur tous les véhicules qui souhaitent s’approcher.  

C’était plus une interrogation pour Satisfaction qu’un constat. Elle allait sûrement me donner une distance très précise à ne pas dépasser pour rester hors de la ligne de mire des robots de surveillance, nan ? Je la laissai de même répondre aux nouvelles interrogations de Val.

Quant à mes cerfs-volants, elle en voulait bien finalement.

- Parfait ! Il ne nous reste plus qu’à compléter ta liste. Allez c’est par ici la visite guidée. L’intérieur du truck contenait des pièces plus spécifiques qui devraient lui convenir. Et à Val je suggérai en lançant par-dessus mon épaule.

- Toi aussi, regarde si quelque chose t’intéresse dans le lot ! Et pour Jud, oui on peut dire qu'il est dégourdi, mais
si j'ai besoin de lui, c'est surtout pour conduire son pickup, parce que ça, ça ne fait pas partie de mes capacités.

Et moi j’allais devoir me mettre au travail sur quelques uns de mes cerfs-volants. Si je leur ajoutai un petit moteur de ces drones téléguidés qu’on trouvait autrefois dans tous les marchés, si je plaçais quelques hélices en plus sur l’arrière des charpentes de ces jouets, il y aurait moyen de les guider sur une certaine distance.

Laissant les deux autres farfouiller dans mon matos, je me mis aussitôt au travail en mode MacGyver.

- « En première approche, je dirais que j'ai 7.28 fois plus de chance que vous de m'en sortir. Mais n'ayant pas vu ce que tu sais faire, cela peut varier. A la hausse ou à la baisse. »

Mon amie file préparer des choses. Je vois que j'ai eu bien raison d'accepter ses cerf-volants : cela le met en joie.

- « Et bien allons-y... Il me manque encore beaucoup de choses... »

Et je file à mon tour farfouiller dans le Truck.

Sept fois plus de chance de s’en tirer que lui… Charmant. Et s’il n’y avait rien là-dessous qui valent la peine de crever ? ou du moins de risquer sa peau ?

Dans ce monde, il y avait à n’en pas douter de multiples façons de mourir, et de multiples occasions d’en trouver au moins une sur son chemin. Mais partir seul avec cette « fille ? » multipliait les risques plus encore qu’elle ne le pensait. Il lui fallait au moins un humain avec eux, ou la certitude d’en trouver un -vivant, ou mort depuis peu- à l’intérieur.

« Est-ce qu’il reste des humains ou des mutants là-bas ? Tu en as une idée ? »

Ça, pour la blonde, et pour la rousse, se retournant vers Mattie dont il lui a semblé qu'elle était soulagée de pouvoir l'appeler "Val" et non "Valravn" -pourquoi ?-, il demande « Tu ne sais pas si quelqu’un viendrait avec nous ? Je suppose que tu as essayé de trouver déjà ? Ou vous n’avez parlé de l’expédition à personne ? »

Il est prêt à ajouter que plus l’escorte sera constituée de nullités mieux ce sera, mais il ne peut pas dire ça, elle est loin d’être stupide, elle a déjà relevé la tête d’un air très dubitatif quand il s’est laissé aller à dire qu’il aurait voulu que les machins se repèrent aux signes de vie plus qu’à la vue.

Il essaie de justifier sa sortie « ça serait plus confortable quand même d’être plus nombreux, et ça diminuerait les risques en multipliant les sources à surveiller… »

Il sort de son sac un autre rouleau de feutre et l’ouvre précautionneusement, dévoilant des tas de petits carrés qui assemblés peuvent former un écran solaire de la dimension qu’on souhaite… Il a de quoi faire environ un mètre carré de panneau, avec les connectiques pour les relier.

« ça peut te servir ça pour rendre tes trucs volants autonomes ? »

A Satisfaction il demande «et toi ? il te faut quoi d’autre pour te préparer ?»

Bon sang, pourquoi des machines ! Comment détecte-t-on la présence d’une machine si elle est silencieuse ? A quelle distance les entendra-t-il ? ça ne sent rien ces trucs probablement ?

Enfin si, ça sent le coup foireux, mais foireux !

A la question de Val, je secouai la tête dans une moue navrée.

- J’ai déjà essayé en effet. Mais les déjoueurs que j’ai vu, semblaient avoir autre chose sur le feu.

Si ça avait pu attendre demain, peut-être que Cliff aurait pris le temps de m’écouter ? Mais sur ce coup, même Cole semblait très peu enthousiaste. Pourtant, y’avait une porte secrète à découvrir, mais tant pis. Et moi ben non, je savais que dans leurs statistiques vus mes qualités physiques, j’allais ramasser la première, avec ou sans leurre ou protection.

- Moui assurément, ça diminuerait vos risques en envoyant des cibles faciles devant.

Je fis une moue qui en disait long sur mon sens du sacrifice ! Ou du fait que ce n’était pas marqué pigeon sur mon front.
Quant à ce qu’il sortit de son sac à la Mary Poppins, je jetai un œil, manipulai un instant ces carrés qui pouvaient former comme une grille, une fois assemblés. Et je commentai à voix haute.

- Je crois que le mieux, serait d’utiliser ces trucs comme bouclier, ils vous feront un rempart parfait à la vue des cybers. Hm et les cerfs-volants, en revanche, vous pourrez les utiliser pour détourner leur attention.

Je les laissai à leurs recherches de pièces rares pour me pencher sur mon nouveau projet. Il fallait pour commencer dénicher des cerf-volants parmi ceux que j’avais, assez grand pour supporter le poids d’un moteur aussi petit et léger fusse-t-il. Ce qui résuma vite le compte à 2 d’entre eux,[2 réussites/10] sorte de mix entre l’oiseau de Léonard de Vinci et un Wright flyer, l’un bleu ultra flashy et l’autre rose. Ce qui m’amusa un bref instant, mais très vite je rassemblai ce qu’il fallait pour équiper ces deux joujoux. Et j’avais justement deux moteurs de drones téléguidés dans mon stock avec leurs manettes. [2réussites/7]…..

Il ne restait plus qu’à vérifier si tout ça fonctionnait, et après quelques essais, le nez en l’air, manette en main, je constatai que c’était pas trop mal. [mcgyver 2/5] Je revins vers les deux lascars.

- Ils sont au point. A un détail prêt. S’il y a trop de vent, il ne sera plus possible de les contrôler, et… je vous conseille de garder la ficelle pour sécurité, sinon vous allez vite les paumer.

Même si ces petites merveilles étaient destinées à se faire abattre, à la place de mes deux nouveaux amis. Enfin plus longtemps ces leurres feraient leur office, plus cela rajouterait de chance à leur « entreprise ».

Mais c'est qu'il arrête pas. Même pendant que mon amie bricole deux trucs qui feraient pâlir un ingénieur de SF dans ses heures de gloire, il continue de s'interroger. A un moment donné, je n'en peux plus.

- « Vous avez une boucle algorithme en mode question ? »

A son regard, je sens le besoin d'ajouter.

- « Je plaisante, hein... Mais à un moment donné, il faut arrêter les questions : on y va, et on verra bien, non ? »

Je ne pense pas utile de rajouter que de toute façon maman ne permettrait jamais qu'on me fasse du mal.

Je me tourne alors vers Mattie.

- « C'est chouette ce que tu as fais. Cela pourrait bien sauver les plumes du KroaKroa. » (je ne laisse même pas le temps au blondinet de répondre) - « Je plaisante encore, hein... »

Pour ma part, j'ai trouvé un sac avec le symbole d'une petite souris rose dessus, que j'ai bourré de composantes. Me voilà toute prête.

- « Une porte inconnue, des robots tueurs partout, un Blondinet en goguette et mon amie qui a peur de son ombre. Presque aucune chance de survivre - pour vous. Je trouve tout cela très vivifiant. On y va ? »

Il regarde la blonde en la fusillant du regard..

"Si ça te gène pas, je suis toujours revenu de partout jusqu'à présent, alors ça me paraît normal d'y aller en sachant ! Mais vu que tu ne sais rien, on va y aller... Au premier problème je te prends comme bouclier !"

C'est qu'il est vénère aussi... Surtout qu'elle vient de bien résumer l'affaire. D'ailleurs, pourquoi a-t-elle besoin de lui ? Mattie pour le matos, mais lui ?

S'il existait un Dieu, il le prierait bien un peu, mais les cinglés de Boston sont bien les seuls à y croire, et vu comme ils le présentent, ça donne pas trop envie.

J’étais venue m’installer ici pour commercer et fabriquer mes petites inventions suivant les trouvailles qu’on m’apportait et bien sûr pour toutes les rencontres que ça occasionnait. Et franchement jusque là, je n’avais pas eu à me plaindre. Cette vie de nomade me convenait très bien, beaucoup plus que celle de vers de terre !

Mais aller là-bas, avec ces deux hurluberlus ?  Non ! Il était trop tôt. Nous n’avions encore aucun retour des déjoueurs sur les conditions de survie là-dedans. Pourtant eux, c’étaient des types aguerris qui avaient pour beaucoup déjà combattu, pas comme moi hein ?

Sans parler de nos chances de survie si on y allait. Et d’après les calculs de notre experte en cyber, quasiment aucune ! Ah oui elle, la cyber-bizarre – tel un nouveau pokemon à ajouter à votre collection - elle avait moins de risque de crever que nous, sans surprise.
Alors elle pouvait bien me traiter de trouillarde, je n’étais pas une excitée de l’aventure, au point de me lancer dans cette expédition pour laquelle je n’avais, contrairement aux autres, pas les qualités requises. Peut-être que le jour où nous en saurions davantage, tenterai-je le coup….ou si Cliff me le demandait hum….Mais présentement, il n’en était pas question !

En revanche, comme promis, j’étais prête à les accompagner, il ne me restait plus qu’à mettre la main sur Jud.  Alors je finis par répliquer à la miss, laissant Val digérer les plaisanteries de cette dernière qui s’était tout à coup découvert un sens de l’humour plutôt particulier.

- Vivifiant quand tu sais que tu as une chance de t’en sortir, pas quand tu n’en as quasiment aucune. Ok, si vous êtes prêts, je vais chercher Jud et on devrait y aller très vite.

Il me fallut 20 minutes pour le retrouver à plusieurs tentes de là, en pleine négociation avec des potes sur leur prochain objectif d’expédition. Mais qui aucune n’était dirigée pour le moment sur SF. Je lui exposai ma requête et en moins de deux, je ramenait le colosse avec moi.

- Jud, je te présente Valvrain et Satisfaction.

Heureusement je l’avais préalablement prévenu pour notre experte en cyber.

- Voici Judéo, c’est lui qui va nous conduire jusqu’à l’enceinte. Je vous déposerai à proximité et ensuite, bah, à vous de vous débrouiller, conclus-je avec un sourire.

Ainsi nous nous mîmes en route, dans le pick-up rouge-ou plutôt rouille de Jud.

La blonde est pressée…

Pressée de mourir ? Après tout, on a tous un jour où on doit passer de l’autre côté. Du coup, la rousse revient avec une montagne de mec qui sait conduire paraît-il ? Rien n’est pourtant plus sûr que des jambes, mais puisqu’il a dit oui, ok, allons-y plus vite encore.

Qu’est-ce qui lui a pris de dire oui ? Comme s’il n’avait pas pu attendre de savoir ? Il regarde la rouquine et son homme ? Est-ce que c’est son homme ? Un sacré morceau le type, dommage qu’il ne vienne pas.

Histoire d’être sûr de ses capacités, de vérifier qu’il n’est pas « défectueux » comme dirait sans doute Satisfaction, il fait un petit exercice respiratoire… à combien doit-il faire descendre ses pulsations pour être totalement immobile, pas même la respiration perceptible ? Avec les chiens de garde là-bas, 15-20/minutes ça suffit, mais des machines ? Il sait pouvoir descendre à 5/minutes, mais l’immobilité est assortie d’un engourdissement des muscles et du cerveau, dangereux s’il reste trop longtemps, surtout sans… « médicaments » à proximité, et comme médoc, il n’est vraiment pas sûr que la blonde soit conforme.

Sans parler du fait qu’elle est probablement beaucoup plus entraînée au combat que lui…

Satisfaction ne devrait rien percevoir, elle est trop préoccupée par son trip excitant, le mec conduit, est-ce que Mattie peut se rendre compte qu’elle a un gisant à côté d’elle ? elle aussi devrait regarder la route ?

Il reste une partie du trajet en hypoventilation, de donc hypothermie… Puis, le paysage changeant il relance doucement la machine, en tout cas, il sait encore se contrôler.

Chez lui il y a peu encore on disait "A Dieu va !" comme s'il y avait un dieu quelque part... Et s'il n'y a rien là-dessous ? ça serait con de mourir pour ne même pas reluquer un truc correct à défaut de le ramener non ?