Projet Epsilon

Le véhicule était remonté prudemment jusqu'au nord du campement Nomade, pour s'engager dans le premier No Man's Land. On pouvait espérer qu'il était nettoyé, puisque c'était l'accès le plus direct vers La première ligne, par le Pont de San Rafael. Amusant que SF ait donné le prénom d'un Théocrate à un de ses ponts...

Arrivé au nord d'Oakland, une discussion brève eut lieu, Satisfaction souhaitant que le véhicule s'engage sur le Bay Bridge, promettant qu'ils n'auraient pas à aller plus loin que la moitié du pont. Mattie parvint à convaincre son conducteur, même si intriguée.

Ils passèrent par un vieux péage où s'entassaient des carcasses de voiture clairement érigées en barricades. Il y avait pourtant un passage et les traces des impacts de balle tout autour montraient qu'il y avait eu ici un combat acharné pour réussir à forcer le passage. La Première Ligne avait dû l'ouvrir, avant de constater que cela en menait nul part, ou à plus dur.

La nervosité gagna le véhicule quand ils franchirent le seul passage, des morceaux de Cyborgs trainant deci-delà. Ils s'engagèrent sur le pont suspendu, aux câbles qui vibraient dans le vent, ce qui n'était guère engageant sur leur résistance. Après un long virage, ils pouvaient désormais voir les tours de SF se dresser droit dans leur axe. Ils se dirigeaient vers une île massive et couverte d'une végétation dense, à laquelle était accrochée, par un isthme non naturel, une île pas plus naturelle.

Un tunnel enfin se présenta et Satisfaction fit arrêter le véhicule.

Image:

Je sais que l'ouverture n'est pas là.

Mais c'est là qu'on doit descendre.


Je me tourne vers le conducteur, dont tous les signaux corporels indiquent qu'il est tendu.

- « Merci pour le bout de route. Vous pouvez faire demi-tour par là et repartir. ».

Puis je regarde Mattie.

- « Tu es mon amie. Tu es sûre que tu ne veux pas venir ? Ma mère serait sûrement heureuse de te rencontrer tu sais, et ravie de l'aide que tu m'as apportée. Et puis, on n'est pas encore vraiment à la Porte. Ici... On va à la recherche de mon doudou. Je sais, cela te paraît sûrement stupide, raison pour laquelle je n'en ai jamais parlé avant. Mais Maman ne voudrait pas que je rentre dans SF sans lui. ».

« Et puis, on n'est pas encore vraiment à la Porte. Ici... On va à la recherche de mon doudou »

Valravn descendait du véhicule, la tirade manque le propulser à terre plus vite que prévu ! Il regarde avec une stupéfaction atterrée la blonde ! Par tous les démons de Boston, mais qu’est-ce qu’il fiche avec cette folle !

Il regarde Mattie et ses compagnons qui s’apprêtent à repartir, et se demande carrément s’il ne va pas en faire autant.

Elle aggrave son cas encore « Maman ne voudrait pas que je rentre dans SF sans lui »

« Tu n’as pas besoin d’une tototte non plus ? ou de couches ? »

Il va risquer sa vie avec ça ?! Non vrai, Wraith casse-toi de là ! Tu es en train de jouer le rôle que tu réserves habituellement à tes comparses quand tu vas te réapprovisionner.

Nous nous étions arrêtés à la demande de Sati… oui hein, Satisfaction, c’était trop long. Donc Sati avait demandé qu’on s’arrête, nous suggérant de faire demi-tour dès maintenant avant de préciser que de son côté, il fallait qu’elle se lance à la recherche de son doudou. Jud et moi échangeâmes aussitôt un regard entre ébahissement et pour ma part, une irrépressible soudaine envie de rire. Ce qui se traduisit finalement par une grimace d’un sourire contenu, et des yeux plein de rire.

Ce fut Val qui réagit le premier et lui n’avait pas vraiment l’air d’avoir envie de rigoler, ce qui en revanche me donna un peu plus de mal à contenir le mien de rire en entendant ses commentaires et en voyant son expression. Alors finalement je gloussai derrière ma main, avant d’essayer de reprendre le plus sérieusement du monde, pour répondre à l’invitation de Sati qui voulait me présenter sa mère. NON pas rigoler, on a dit !

- Je heum… ne suis pas toujours convaincue du bienfondé de tout ça, maiiiis en revanche, puisqu’après tout nous sommes sur l’île aux trésors et que nous ne sommes pas encore dans les enceintes de Sf, soit, je veux bien vous accompagner pour la chasse au doudou ! lançais-je avec un grand sourire.

- Nous vous accompagnons ! corrigea Jud d’un air bien plus sévère que le mien.

Et le colosse descendit du véhicule qu’il avait pris soin de garer derrière une remorque abandonnée, ce qui fit aussitôt bouger ses suspensions. Il récupéra son fusil d’assaut à l’arrière ainsi qu’un sac, et me regarda.

- Je n’te quitte pas d’une semelle.

Puis attendant que les autres quittassent à leur tour l’habitacle du pickup, il le verrouilla. Je n’avais pour ma part, rien embarqué de particulier à part un sac, équipé d’une lampe torche, de quelques gadgets et outils. Sans oublier ce vieux glock et quelques munitions.

Et désormais, j’étais sacrément curieuse de découvrir de quel doudou il pouvait bien être question pour cette cousine de Terminator.

Je ne résiste pas à l'élan. Je me jette sur Mattie et l'enlace.

Je suis tellement contente que mon amie soit avec moi encore pendant un petit bout de chemin.

- « Ce que je cherche, c'est un magasin de motos, sur la 13°. C'est... par rapport à nous, aux coordonnées 37.829903237665896, -122.36911897442111. 3.29 km. Moins d'une heure pour y aller, si du moins on ne rencontre aucun Cyborg. SF employait beaucoup de Cyborgs miniers ici, mais au nord, comme c'était un lieu secret d'échange avec les Japonais, il y avait des Cyborgs plus sophistiqués. Des gardiens. Sûrement armés. »

Je commence à marcher. Puis je me tourne vers blondinet.

- « Tu ne voudrais pas envoyer crôacrôa en l'air ? Si on voit des plumes voler, c'est qu'il y a un Cyborg armé dans le coin... »

Envoyer le Corbac comme appât ! Rien que ça ! Il foudroie la blonde du regard mais se tait, il craint vraiment de perdre son calme. Plus l’aventure se précise et plus il se fait le reproche d’être stupide et crédule… Pourtant, quelque chose l’empêche de prendre ses jambes à son cou…

Il sait parfaitement que ce ne sont pas les gains potentiels, il doute de trouver des merveilles à échanger, en tout cas les premiers temps, non, ce qui l’attire à ce point, c’est l’inconnu, les découvertes majeures qu’ils pourraient faire, et il s’en veut de céder si facilement à l’appel de ces sirènes-là.

Il a réagi pareil quand il s’est enfoncé la première fois dans les profondeurs de l’entrepôt, à proximité de la ville qui s’appelait à une époque révolue « Rome ». Il était tellement tendu vers le but à atteindre qu’il a failli en crever, il va falloir qu’il se surveille.

Touchant du visage les plumes du Corbac, il regarde le ciel, comme pour l’enjoindre à la prudence, et le lâche…

« S’il lui arrive quelque chose je te garantis que je te vide de ton sang ! »

Il n’ajoute pas « si tu en as dans les veines », il en doute de plus en plus… Un magasin de motos ? Elle ne va quand même pas leur donner des véhicules ? Pour qu’ils soient encore plus détectables ? En coin il regarde la réaction de Mattie, et du mec qui l’accompagne. Est-il le seul à sentir que ça pue le coup foireux ?

J’étais en train d’essayer d’imaginer la tête qu’aurait le doudou de Sati, une sorte de Wallee miniature ? ou ….un nono le robot quand celle-ci me sauta dessus, m’arrachant un sourire crispé, lui tapotant gentiment le dos, très gentiment, en mode sourire qui allait me donner des crampes pour la journée jusqu’à ce qu’enfin elle consentisse à me libérer.

Et là elle nous causa de magasin de moto, ce qui me fit un peu décrocher. Quel était le rapport entre un magasin de moto et un doudou ? Ou alors son doudou était une moto ? Dans ce cas, on n’avait pas la même notion de doudou. Mais je retins quand même le principal. Ce magasin devait se trouver d’après elle à 3,29 km, pas la mer à boire hein ?  Et oui, ça nous prendrait pas trop longtemps.

Jusqu’à ce qu’elle évoquât les cyborgs dont justement il y avait quelques « restes » pas très loin sur l’asphalte, abimés, calcinés, et irrécupérables mais néanmoins la preuve qu’il y en avait eu ici pendant un temps.

- Oui mais là il n’y en a plus non ? Les premières lignes ont dû nettoyer la zone !

Jud haussa les épaules en voyant que je le regardai. Et je soupirai. Bon, il ne restait plus qu’à espérer qu’on n’en croiserait point hein.
Quant au pauvre corbeau, la suggestion de Sati ne plut naturellement pas à son propriétaire qui la menaça alors de la vider de son sang s’il arrivait quoique ce soit à son corbeau. Et sans le savoir j’eus exactement la même pensée.

- Bon et bien plus vite, on le trouvera ce magasin, et plus vite on reviendra hein ? Tu nous ouvres la marche ? lançais-je à Sati, non sans regarder autour de nous et en faisant bien gaffe où je mettais les pieds.

Après tout, elle avait l’air de connaître la zone mieux que nous tous.

Et hop ! C'est parti.

Il faut d'abord prendre la voie qui part plein nord du péage et contourne le bosquet qui, à l'abandon, pousse de la façon la plus sauvage et anarchique qui soit. Cela ne me plaît pas. La végétation, cela devrait être comme les Cyborgs. Chacun très exactement à sa place. Cette forêt semble avoir le même problème que les humains : tout le monde ignore ce principe impératif, le plus souvent volontairement. Il faudra que j'en parle à Maman.

Une fois la grimpette effectuée, et le bosquet contourné, nous redescendons vers l'île.

- « Vous saviez que ce n'est pas une île véritable ? Qu'avant l'Apocalypse, les habitants d'ici n'avaient rien trouvé de mieux que de prendre la terre et la roche du tunnel pour venir poser cette île. C'est bizarre, non ? Pourquoi faire de fausses îles quand il existe plein de véritables ? »

Sans attendre leur réponse, je poursuis, et nous voilà désormais sur une route plane, comme l'est tout l'île d'ailleurs. On voit des traces de combat. Quelques Cyborgs désarticulés et détruits jonchent cette partie, ce qui est surprenant, car cela ne mène nul part.

- « Je suppose que ceux qui ont voulu rentrer à SF ont pensé qu'il pouvait y avoir une ouverture ici... Sur une île artificielle. C'est absurde comme idée. Et regardez, ils ont surtout détruit du Cyborg minier. Ils n'ont pas de paniers d'armes mais d'outils. ». Je m'arrête alors, parce que quelque chose m'interpelle. - « C'est bizarre quand même : des Cyborgs miniers, ce n'est pas programmé pour combattre. Ceux là, apparemment, ont combattu avec leurs outils...». Je montre du doigt deux cadavres tellement décomposés et bouffés par les chiens errants - ou toute autre saloperie - qu'ils sont méconnaissables. Mais les traces qu'ils portent sont celles de marteau-piqueurs, de foreuses, de scie à pierre,... - « Je me demande qui a pu les reprogrammer... et pourquoi ? ».

Je me retourne vers ceux qui me suivent avec un grand sourire.

- « Ces mystère me plaisent. Je sens qu'on va bien s'amuser ! »

« C'est bizarre quand même : des Cyborgs miniers, ce n'est pas programmé pour combattre. Ceux-là, apparemment, ont combattu avec leurs outils...»

Miniers ou pas miniers, Valravn enregistre deux choses, non, trois.

- Les trucs sont là et combattent.
- Outils ou armes, vu la taille du machin, ça doit faire mal quoi qu’il arrive, ensuite « reprogrammé » ou pas, ils ont au moins l’instinct de se défendre, c’est mauvais, si ce ne sont que des esclaves chargés de creuser, ils auraient du donner l’alerte et fuir ? Chez les humains en tout cas, ça marche comme ça, de pauvres mecs mis au boulot plus ou moins de force ne vont pas risquer leur vie pour rien, à moins que les « premières lignes » ne les aient attaqués avec une détermination féroce ? C’est possible aussi…

La dernière, il y a des cadavres ! Humains ou mutants ?! Regardant autour de lui, il s’approche avec autant de nonchalance qu’il peut en mimer…

Sous couvert de regarder mieux les blessures, il sort de sa besace un paquet de bandage et un outil qui ressemblerait à un scalpel, et prélève dans les chairs les moins abimées de quoi refaire son pack de soins…

« Ils sont vachement nettoyés… Pas que des chiens à mon avis. »

Il retourne un des types, pas même de vers ? « Ils sont morts depuis plus de trois jours, et ils devraient grouiller de larves ? » Il sort son couteau et découpe un bout de chair, on dirait qu’il a été exsanguiné avant de se rigidifier ? Il porte le lambeau à portée d’odorat…

Pendant que la folle blonde lance un « Ces mystères me plaisent. Je sens qu'on va bien s'amuser ! » attirant l’attention, il découpe rapidement quelques autres lambeaux de chair et les enfouit dans le sac, il sera temps plus tard de vérifier s’ils ont des vertus curatives, mais s’il ne saurait partager la formulation de Satisfaction, il doit bien admettre qu’à défaut de lui plaire et de s’amuser, il y a en effet des mystères… Qu’est-ce qui a repoussé les insectes ? Est-ce qu’il n’y en a simplement pas ici ? Et pourquoi le sang semble-t-il avoir disparu des corps ?

Il ne connaît qu’une espèce qui vide un cadavre de son sang avant de le dévorer… Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne tient pas à en rencontrer un.

Bon le premier instant de liesse passé, je m’avançai à la suite de Satisfaction qui du coup, nous fit un petit exposé sur l’île. Je me perdis un instant dans ce que j’avais appris de la géographie et de l’histoire du pays, avant l’apocalypse et sur cette fameuse île aux trésors.

- Oui, une île artificielle créée pour je ne sais plus quelle occasion….

Je fus distraite un instant par les obstacles qui barraient ma route, mais mon esprit revint très vite sur ce que Sati venait de dire au sujet des mineurs, ou plutôt cyborgs miniers, faisant l’association de tout ça…+ tunnel + ouverture. Pas d’armes mais des outils, des outils de mineurs.

Je pilai sec tandis que Sati s’exclamait joyeusement que ces mystères lui plaisaient. De fait je ne fis que très peu attention à ce que Val faisait de son côté et heureusement, sinon j’aurai gerbé tout ce que j’avais pu manger ce jour.

- Je trouve que c’est loin d’être absurde comme idée. Sinon pourquoi envoyer ici, sur ce petit bout d’île artificielle des cyborgs mineurs ? hm ? Si ce n’est pas pour creuser un truc en profondeur. Comme…. Par exemple un passage ? Tu es sûre que tu n’en sais pas plus que ce que tu nous en dis ? Tu devais trouver l’entrée du passage, mais je croyais que tu parlais de l’enceinte de SF.

Donc oui ! Cette théorie de passage dont l’entrée serait ici-même, après tout ce qu’elle venait de nous exposer, me paraissait loin d’être farfelue. Un passage ……peut-être qu’il n’y avait pas de cyborgs armés pour le moment, mais, je ne savais plus que penser de tout ça.

- Et ton doudou, t’as pas une idée d’à quoi il ressemble ?

Moui quelque chose me disait que ça ressemblerait un peu au sésame du fameux passage et que peut-être on n’en était pas si loin.
Ce n’est qu’alors que j’observai Val penché au dessus d’un cadavre. Il me tournait le dos, donc je ne voyais pas trop ce qu’il trafiquait.

- Mais qu’est-ce que tu fous ? Tu lui fais les poches ? m’exclamais-je indignée.


[réussite premier lancé = histoire]
[échec second lancé : voir ce que fout Val]

Arrivée juste à l'entrée de l'île artificielle, je m'arrête un instant.

Le long de la rive à main gauche, il reste ces étranges immeubles en forme d'astérisque.

J'hésite.

- « Des anciens bâtiments de la Navy. Ceux qui voguaient sur toutes les mers avant l'Apocalypse. Je crois que c'est abandonné. Enfin... Presque... C'est là que SF parquait les Japs qui lui rendaient visite. Les officiers au nord et les soldats dans les bâtiments, sous l'oeil vigilant des Cyborgs. Interdiction de sortir, vous voyez ? Ils tiraient sur le premier jaune qui pointait son nez, et c'était forcément carton plein...»

J'hésite encore, puis je me résouts à leur demander leur avis.

- « Il n'y a plus de Japs depuis la fermeture j'imagine. Donc, on peut espérer traverser. En fait entrer. De toute façon, la routine de l’algorithme doit être plutôt pour empêcher de sortir, pas de rentrer. Donc on doit pouvoir être tranquille, du moins jusqu'à ce qu'il faille sortir. Sinon, on peut aller à droite tout de suite, le chemin Clipper Cove. Mais là, je ne sais pas ce qui peut trainer. ». Je souris à mon amie. - « Tu ne veux pas envoyer en avant ton ours avec Krôakrôa. A deux, ils ne peuvent qu'attirer l'attention. On sera vite fixée. ».

Mon sourire s'élargit. Je suis sûre qu'ils vont trouver mon idée géniale.

« …la routine de l’algorithme doit être plutôt pour empêcher de sortir, pas de rentrer. Donc on doit pouvoir être tranquille, du moins jusqu'à ce qu'il faille sortir… »

Bizarre, ça ne le surprend qu’à demi. Pas plus que ne le surprend l’idée d’envoyer … l’ours ? et son Corbac en cibles de tir privilégiées… Cette machine a été mal programmée, sa « mère » devait avoir trop bu avant de la créer.

Il regarde la blonde, peut-être n’est-elle pas uniquement une machine ? Ce qui dans son esprit serait pire encore, quel individu taré utiliserait un corps humain pour y implanter une IA ? Bref, il préfère encore les fous furieux de Boston ou NY… Eux te tuent pour ta rédemption, mais au moins te laissent de chair et d’os, enfin jusqu'au moment où tu tombes en cendres...

« Mais qu’est-ce que tu fous ? Tu lui fais les poches ? »

Ah… Si elle n’a rien vu d’autre !

« Il n’y a pas de vers, c’est pas normal ! Tu connais des cadavres en décomposition qui ne grouillent pas d’asticots toi ? »

Pas normal, inquiétant même, mais plus ragoutant, à moins que le truc qu’ils contiennent te tue comme il a tué les insectes ? Il n’a pas ce qu’il faut pour tester… C’est l’air qui tue les insectes ou la chair des cadavres ? Du coup, il regarde à stocker. Peut-être que la blonde a un analyseur ? Il la regarde et lance :

« Tu n’as rien pour analyser la chair de ces types ? Qu’est-ce qui explique ça ? L’air qu’on respire ou leur nature propre ? »

Il ne prend même pas la peine de répondre pour le corbeau… S’il arrive quelque chose au volatile ! Il a prévenu déjà ! On ne touche pas à son partenaire, humain, mutant, cyborg, ou n’importe quoi d’autre ! Il regarde le grand type, comment il s’appelle déjà ? le mec de Mattie ? Jud ? Juddeo ? Un nom de ce genre ? Qu’est-ce qu’il en pense de l’idée de rameuter les troupes ?

Pourquoi n’étais-je même pas surprise de n’obtenir aucune réponse à mes questions ?

- Tu ne m’as toujours pas dit comment tu sais tout ça. Ta mère c’était quoi son travail ? Et elle faisait quoi à SF ? Tu penses qu’elle t’y attend encore ? Et toi ? Tu faisais quoi avant de te retrouver dans une caisse à sardine ?

Je soupirai, perdant patience, surtout qu’elle nous faisait quasiment une visite guidée, connaissant des détails que seule une personne ayant vécu ici pouvait connaître, ou … un cyborg chargé de surveiller tout ça. Je marmonnai, de mauvaise humeur désormais :

- Je vois, des visiteurs japonais mais s’ils essayaient de dépasser les limites de cet endroit, ils se faisaient tirer comme des lapins ! Leurs hôtes avaient vraiment un drôle de sens de l’hospitalité ! Et toi aussi, Satisfaction. Les gens n’envoient pas leurs amis jouer les cobayes pour sauver leurs fesses. Jud est mon ami, il est hors de question de l’envoyer se faire tirer dessus pour protéger tes arrières ! ou tes devants, ni les miens du reste !

J’adressai ensuite un regard désolé à Jud qui son fusil en main n’avait pas bronché d’une once, expression toujours sévère et surveillant les alentours.

Puis je regardai en direction de Val qui lui, s’intéressait d’un peu trop  près à un… à un cadavre ! et quand je m’indignais qu’il puisse fouiller ses poches, il me répondit un truc qui me fit écarquiller les yeux. NON mais d’OÙ il venait lui ???? des vers ??? il était en train de regarder ……de regarder pourquoi ils n’avaient pas de vers ????

- Oh bon sang, mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? geignis-je.

Mais je ne me lamentai pas longtemps sur mon sort. D’une voix plus maussade encore, je rétorquai à l’intention de Val :

- Et qu’est-ce que ça fait qu’un cadavre ait des vers ou non ? Qu’est-ce que ça peut bien changer hein ? Il est MORT, et puis… ET PUIS ON n’est pas là pour faire des autopsies sur des cadavres, MERDE !

Là Jud se tourna vers moi, l’expression interrogative. Je soupirai, puis regardai Satisfaction.

- Comme je tiens à pouvoir revenir quand on aura trouvé ton doudou, on va prendre à droite. Sauf si ton cadavre, Val te dis que c’est mieux qu’on prenne à gauche ? ironisais-je

De toute façon, je doutais qu’on puisse trouver quelque chose dans ce camp de concentration revisité à la japonaise. Je me remis en route d’un pas ferme. Une heure elle avait dit, une heure pour atteindre ce magasin de moto. Peut-être y trouverais-je quelques trucs intéressants pour mon truck.

Je me mets à trotter derrière mon amie. Elle a crié, et cela m'a un peu secoué, je dois dire.

En passant prés de blondinet, j'en profite pour le rassurer.

- « Ils ont dû utiliser l'agent V, ou M. Ce sont des agents anti-bios et surtout anti-mutants. SF avait créé des munitions avec des balles creuses pour les remplir de ce produit. Il faut dire qu'après la vie dure que leur ont faite les mutants pendant la guerre, ils étaient fermement décidés à liquider rapidement les mutants. L'agent dans les balles visent à s'assurer que le mort ne jouera pas un mauvais tour. Bon, le truc, c'est qu'effectivement, du coup, cela tue toute vie qui essaie de s'accrocher à la chair... Je suppose que c'est pour cela qu'on ne voit pas de chiens ou autres chacals... Ils sont morts d'avoir voulu boulotter un bout des cadavres...

Mattie fonce et je dois presque courir pour la rattraper.

- « Je suis désolée mon amie... Je... Tu sais, je ne me souviens pas de ma mère. Ou plutôt, sans doute que les souvenirs sont là, mais je n'arrive pas à les faire venir. Je suppose que tout me reviendra quand je la verrais. C'est comme mon doudou : je ne sais pas du tout quelle tête il a. Mais quand je le verrais, je saurais. Je... Je n'ai pas que des bons souvenirs de cette île. J'ai la vague et dérangeante impression que lorsque je suis arrivée, je n'étais pas en bon état. Tiens, cela me rappelle un truc. Il y avait... Oui, il y avait quelqu'un avec moi. Quelqu'un à qui je tiens beaucoup. Mais c'est terrible, je me souviens de son visage, mais pas de son prénom. Et pourtant, je sens qu'elle est importante pour moi ». . Je soupire. - « C'est pas important je suppose pour l'instant... Mais c'était une amie comme toi. Plus chère sans doute. Mais elle te ressemblait beaucoup. Voilà.».

Puis tout à coup je m'arrête.

- « Ils sont derrière nous. Sur le haut de la colline derrière. Nan pas des Cyborgs : les gars de la tente... Je ... Je ne sais pas pourquoi je sais cela tout à coup...».

« ...Je suppose que c'est pour cela qu'on ne voit pas de chiens ou autres chacals... Ils sont morts d'avoir voulu boulotter un bout des cadavres...»

Il ne sait pas trop si la haine a un visage, si elle en a un, il doit l’arborer… Des yeux il cherche le Corbac, avant de se souvenir que LUI n’a pas approché les cadavres… Il n’y a pas, mutation ou pas, les humains sont encore inférieurs à l’animal.

La colère de Mattie le surprend… à demi, en fait ce qui le surprend c’est surtout qu’elle a extériorisé, contrairement à l’armoire à glace qui lui reste… de glace, même lorsqu’on lui propose d’aller jouer les cibles mouvantes sous le nez de cyborgs.

Droite ou gauche, non, le cadavre n’a dit qu’une chose, c’est qu’il ne sert à rien. Un cadavre sans nutriment, c’est de l’eau qui ne désaltère pas, et non seulement il ne nourrira pas, mais il risque de le buter même. Discrètement il balance ses derniers bandages -devenus inutilisables- ainsi que les lambeaux prélevés. Puis se ravise, et les ramasse, moins discrètement, pas de chien ni de chacal, ici, mais ailleurs ? Si une bestiole avale ça, elle crèvera, toute seule, ça sera ça de moins à tuer… A condition qu’il y ait des bestioles…

« Ton « amie » sans nom, elle est encore là ? Celle qui ressemblait à Mattie ? Physiquement d'ailleurs ou son état d’esprit ? Et puis ta « mère » n’a pas prévu de procédure de sauvegarde pour que tu évites de tout redécouvrir au goutte à goutte ? C’est chiant quoi ! »

« Ils sont derrière nous. Sur le haut de la colline derrière. Nan pas des Cyborgs : les gars de la tente... Je ... Je ne sais pas pourquoi je sais cela tout à coup ...»

Lui non plus, mais clairement, les gars de la tente, c’est de la viande ! Alors qu’ils viennent, et qu’on ne les tue pas tous tout de suite si possible !

« Bah les voila nos cibles à cyborgs ?! Enfin… à moins qu’ils ne soient amicaux, auquel cas on va tenter de les garder vivants ? »

Il se fait des idées ou Mattie le regarde presque aussi bizarrement qu’elle regarde Satisfaction ?

Il en revient à ce foutu agent V ou M, le truc tueur de mutant... «ça tuerait une bestiole en combien de temps ton truc si on en rencontre une ? C'est genre immédiat ou tu as le temps de crever avant que l'attaquant ne crève à son tour ?

La rouquine va encore lever les yeux au ciel, mais quoi ? ça peut servir non de savoir si on a une arme de plus ! Et puis tout à coup, il a comme un relent d'intelligence... Des cyborgs miniers ? Dépourvus d'armes ? Mais alors, les balles creuses à agent V, M ou n'importe quoi d'autre, elles ont été tirées par quoi ? Il regarde le ciel, puis les alentours, lève le nez en l'air pour sentir d'éventuelles odeurs... Machines ou créatures organiques...

Ok, même si l’attitude de Val était carrément bizarre, j’écoutai quand même la réponse de Sati avec une attention accrue dès qu’elle avait parlé de l’agent M. Donc non seulement cet agent annihilait nos pouvoirs, mais en plus ils empoisonnaient notre organisme même au-delà de la mort. Je fis une moue en songeant aux dévoreurs que pour ma part, je n’avais heureusement que très peu croisé.  

Du coup je m’interrogeai sur les activités de Val, avant que ce monde ne parte en cacahuète. Peut-être avait-il été médecin ? voir même légiste. Sinon pourquoi s’intéresser à l’état de ces cadavres ?

Mouais peut-être. Mais en attendant, nous avions déjà assez traîné sur place et inutile d’avoir fait Bakersfield ou affronté des hordes de dévoreurs pour savoir que ce n’était jamais très bon. Et plus vite nous en aurions terminé avec cette histoire rocambolesque de doudou, plus vite je pourrai retourner au campement, en espérant que nous ne serions pas venus pour rien. Quoique non, j’avais déjà quelques infos en stock … qui intéresserait sans doute Cliff…..Cette idée me redonna un semblant de sourire…

Avant d’être rejointe par Satisfaction. Elle m’expliqua pour sa mère et qu’elle était loin de se souvenir de tout. Elle espérait que tout lui reviendrait quand elle reverrait cette dernière. Je fis un sourire un peu tendu .

- Et bien c’est tout ce que je te souhaite ! En attendant, tu te souviens déjà pas mal de chose, surtout concernant cet endroit.

Et je ne savais plus dire si c’était bien au mal. D’un côté, ça nous aidait à progresser puisqu’elle connaissait déjà le terrain, mais d’un autre, il y avait tout ce que ça impliquait et ça, ça ne me plaisait pas, tous ces mystères qu’elle, elle trouvait si excitants. Moi je tenais surtout à revenir en vie, moi et Jud…..

Sati ajouta qu’elle se souvenait aussi d’une amie à laquelle elle tenait beaucoup et que je lui ressemblai.

- Et tu ignores ce qu’elle est devenue cette amie ? demandais-je en continuant à la même allure, mettant de côté l’idée que peut-être un jour cette ressemblance me sauverait les miches.

Val nous rejoignit bientôt pour lui poser la même question. Ok il avait aussi écouté notre conversation, et avait fini par abandonner l’étude de son cadavre. Quant aux souvenirs dont Sati se souvenait au compte-goutte, je ne pus qu’approuver, c’était pénible. Mais en même temps, elle ne s’y pouvait pas grand-chose, si quelqu’un avait abimé ses circuits.

Soudain Sati nous prévint qu’on avait de la compagnie et étant donné la façon dont ces types s’étaient comportés, même si je n’avais assisté qu’à la fin du spectacle, je m’inquiétais de leur présence.

- Tu crois qu’ils nous ont suivi ? Je regardai Sati……ou alors ils savaient que tu viendrais ici, conclus-je, sur une soudaine inspiration.

Je me tournai vers Val :

- Je doute qu’ils soient amicaux. C’est eux qui ont « enlevé » Satisfaction et l’ont ramenée au camp dans une boîte hautement sécurisée. Alors soit ils veulent récupérer ce qu’ils estiment leur appartenir…. Soit ils veulent ce qu’elle est venue chercher.

Dans un cas comme dans l’autre, ce n’était pas bon. Jud m’attira vers un des bâtiments.

- Restons pas à découvert.

Jud et Mathilda furent les premiers à se réfugier dans le rez-de-chaussée d'un bâtiment de deux étages. Cela avait dû être une boutique. Partout, des éclats de miroir brisés. La propriétaire avait dû en prendre pour des centaines d'années de malédiction. Quelques sous-vêtements féminins et masculins gisaient éparses, dans la poussière. Des portants étaient brisés au sol, certains tordus et même avec les arceaux fondus. Comme un clin d’œil à son propre passé, au fond, des cabines d'essayage avaient les rideaux déchirés, et dans l'une d'elle, Mathilda put voir leur propre image se refléter dans le seul miroir encore en état.

Le plus notable était pourtant que tout cela ressemblait à un décor organisé. Il n'y avait dans la poussière pas une seule trace, pas même le moindre petit excrément d'une ridicule petite vie animale. Un rat, même le zébré du vol d'un insecte. Tout était... comme posé depuis des dizaine d'années.

Ils furent rejoints par Satisfaction et Val. Satisfaction resta debout, non loin des restes d'un mannequin en fibres, qui avait dû être touché par des munitions explosives au vu des restes. Pourtant, sa taille restait encore debout, avec un maillot de bain aux couleurs passées. Satisfaction observait les poursuivants et malgré quelques rappels à l'ordre, elle ne bougea pas.

- « Ils arrivent...

Devant le regard interrogateur (et un brin furieux ?) de Mattie, je souris.

- « Des alliés, à défaut d'amis... Non, ne sortez pas. En fait ne bougez même pas. ».

Valravn avait suivi le mouvement, s’attardant sans doute beaucoup. Peut-être trop.

L’absence totale de vie l’incommodait au plus haut point. Que les créatures de grande taille, même de taille moyenne aient disparu, passons, mais il ne restait pas un… insecte ! Or ces bestioles étaient les champions de la survie.

Elle n’avait pas répondu ? Ou il devenait sourd ? Combien de temps ce machin, l’agent V ou T on n’importe quelle lettre restait-il dans l’air ? Ou plus exactement, une fois qu’il avait tué son porteur, disparaissait-il ou se propageait-il ? S’il était présent dans l’environnement, et qu’ils en respiraient des rasades à chaque inspiration, combien de temps vivraient-il ? Ce truc restait-il actif et se transmettait-il une fois son hôte mort ?

Enfin c’était curieux que ces questions n’aient pas effleuré Mattie et son muet ? C’était pourtant capital non ?

Parce que si les idées qu’il se faisait étaient justes, non seulement il se trouvait dans un environnement où les seuls nutriments seraient les « alliés » que la blonde annonçait, mais en plus ils sortiraient de là -s’ils sortaient- malades et peut-être contagieux ?

Ça expliquerait l’absence de ces cyborgs qu’on leur avait décrit. Pas besoin de sentinelles si les spécimens organiques qui s’introduisaient dans la ville étaient infectés et détruits par un poison dans l’air. Il était beaucoup plus simple et économique de les laisser crever au fur et à mesure de leur progression, et peu importait ce qu’ils découvriraient puisque ça ne serait jamais divulgué ?

Il suivit la blonde dans un endroit tout aussi figé que l’extérieur.

Pourquoi parlait-elle d’alliés

Je regardai le décor de cet endroit dans lequel nous nous étions réfugiés. Jud avait décrété qu’il fallait nous mettre à couvert, mais là, c’était très couvert, même très fermé, non ? Et si ces types nous trouvaient, n’allions-nous pas finir acculés comme des proies sans défenses ? Tapies dans leur terrier sans issue ?

Bon ok, j’exagérai un peu. Il y avait peut-être une autre issue. Et nous n’étions pas tout à fait sans défense, même si moi et mon arme, comptions pour du beurre, contrairement à Judéo avec son fusil d’assaut. Quant à Satisfaction, j’ignorai si elle savait se battre, idem pour Val qui finit par nous rejoindre lui aussi.

Et si lui ne parut pas trop inquiet, son regard se portant sur le décor de cet endroit, moi je flippais à mort. Plus encore quand Sati expliqua qu’ils arrivaient, tout ça avec le sourire s’il vous plait, comme si nous étions des hôtes attendant leurs invités. Je fis une grimace, entre peur et sourire qui se voulait ironique.

- Des alliés ? Après ce qu’ils t’ont fait ? … et… et comment tu sais que c’est eux ?

Parce que de là où nous nous trouvions, nous ne pouvions voir que des murs de bâtiments. Alors comment avait-elle fait pour deviner leur présence ? Bon ok, chut, il ne fallait plus bouger… oui aussi plus parler, histoire de ne prendre aucun risque. Et je retins même ma respiration, me serrant contre Jud, pour m’en faire un drôle de rempart, alors qu’il me tournait le dos, lui-même surveillant l’entrée de cette étrange boutique dans laquelle nous étions entrés.

Mais tout ça ne m'expliquait pas pourquoi elle parlait de ces gars comme d'alliés, et pourquoi dans ce cas, nous devions nous planquer de la sorte. De toute façon pour le moment je préférai m'en tenir à ses "recommandations" et je me fis complètement immobile.

Ils purent suivre du regard la progression des poursuivants. Ces derniers n'étaient plus trois mais une bonne vingtaine, visiblement armés et ils n'étaient sûrement pas venus pour entretenir les pelouses.

Ils n'étaient plus qu'à 300m de l'endroit où le groupe qu'ils poursuivaient s'était réfugié. Les regards inquiets qui s'échangeaient en disait long sur la tension.

Et puis tout-à-coup, l'enfer se déchaîna.

Sur les poursuivants.

Une petite dizaine de drones volants avaient surgi dans le ciel et tiraient des sortes de petites roquettes explosives, chacune en cible d'un des poursuivants. La roquette s'enfonçait d'une trentaine de centimètres avant d'exploser. Chaque corps se retrouva éparpillé sur une dizaine de mètres, tapissant les murs de lambeaux de chair et de gerbes de sang.

Il ne fallut que trois minutes pour disperser les poursuivants. Pas un n'en réchappa.

Puis les drones se dirigèrent vers le bâtiment où le groupe s'était réfugié.

Des alliés ? Parce qu’ils avaient pris la sauce à leur place ? Elle en avait de bonne Satisfaction !

Il obligea son rythme cardiaque à se ralentir au point que le muscle cessa quasiment de battre… Si ces trucs repéraient la vie, ils auraient le costaud et Mattie… Dommage pour eux deux. Le type il ne le connaissait pas, mais il aimait bien Mattie. Lui, estimait pouvoir rester « mort » pas loin d’une heure, après, une nécrose risquait d’apparaître, surtout en l’absence de nutriments pour accélérer le redémarrage...

Impossible de parler pour demander des explications, il ignorait tout du mode de repérage des drones, mais ils étaient au moins dotés d’écoutes. Avaient-ils des capteurs sensoriels ? Quelque chose qui puisse se guider à la chaleur d’un corps, ou aux battements cardiaques, ou au bruit d’une respiration ?

Lui s’était transformé en gisant. Il ne bougeait pas plus que la pierre du mur contre lequel il s’était collé, avait baissé la température de son corps en ralentissant la circulation sanguine. Sa peau, lorsqu’il pratiquait ce type d’exercice, semblait perdre de la couleur. Son pouls ne devait plus être perceptible par un humain… Mais par une machine ?

Pourquoi diable avait-il cédé à la curiosité ? Car ce n’était que ça ? Il avait -ailleurs- largement de quoi se fournir pour « commercer ». Non, il avait stupidement agi en bon humain : voulu voir.

Voir et mourir ? C’était la formule la plus idiote qu’il connaisse ! En tout cas, pas question de se jeter au secours des autres s’ils étaient repérés, eux ne viendraient certainement pas au sien. Il était illusoire d’imaginer pouvoir faire quoi que ce soit contre les créatures qu’ils avaient vu en œuvre, si l’un ou l’autre était détecté, il mourrait avant de s'en rendre compte. Il importait donc de ne pas attirer l’attention.

Sans bouger, il repassa la scène, ces machins avaient-ils bousillé la viande ? Savoir tant de barbaque disponible et ne pas oser y toucher pour se régénérer après sa pause-décès ! C’était rageant ! Une fois partis, en admettant qu’ils partent une fois les deux humains restants dégommés, il pourrait demander à Satisfaction ? Qu’elle sache sa vraie nature le gênait assez peu somme toute. Elle n’était pas non plus humaine, ou du moins pas entièrement, en supposant qu’elle ait été modifiée à partir de quelque base organique.

Attendre en silence. Contrôler tous ses paramètres.

Il faillit bouger en prenant conscience que le Corbac n’était pas avec eux !

Je retenais ma respiration, enfin j’essayai. Ce qui donnait un résultat final de pseudo respiration de femme en train d’accoucher mais avec une sourdine en plus. J’observai Satisfaction parfaitement sereine comme si elle connaissait déjà le dénouement de tout ça, ou comme si ça ne l’inquiétait pas le moins du monde. C’était vraiment bizarre.

Quant à jouer au mort, le gagnant à ce jeu, c’était Val indubitablement. Sérieux mais….on aurait vraiment dit qu’il ne respirait plus du tout !! Je fronçais les sourcils devant le sacré numéro qu’il nous faisait, avant de tourner le regard vers Satisfaction.

Et puis tout à coup j’entendis les explosions, j’oubliai mon attitude figée pour redresser la tête et voir par-dessus le décor dévasté de cette boutique, ce qui se passait au dehors, apercevant vaguement des objets volants dans le ciel.  J’étouffais une plainte.

- Oh merde, des drônes ??

Je regardai à nouveau Satisfaction et réalisai que je n’avais peut-être pas bien compris ses paroles. Les alliés dont elle parlait…. Ce n’était pas nos poursuivants qui nous avaient obligés à nous planquer ici, mais… les fameux drônes ? Je lui demandai :

- Je suppose qu’il est trop tard pour utiliser nos leurres ? dis-je d’une voix ridiculement faible.
Et je me planquais à nouveau derrière le comptoir.

Satisfaction n'eut pas le temps de répondre. Déjà les drones étaient là. Chaleur, voix... Difficile de savoir ce qui faisaient qu'ils avaient détecté leur présence dans le bâtiment. Pour Valravn, il était impossible de savoir si son stratagème aurait fonctionné : la présence des autres faussait sa tentative.

Satisfaction, elle, ne bougea pas, toujours dans l'encadrure de la porte.

Pendant une poignée de secondes angoissante, les drones tournoyèrent, vrombissant. Puis, ils partirent.

Le pire fut sans doute d'entendre Satisfaction lâcher un souffle de soulagement.