Projet Epsilon

Avant

Le silence.

C'est sans doute le silence qui la fit émerger.

Ou le froid de la pierre sur laquelle elle était allongée, sans savoir vraiment depuis quand.

Il lui fallut du temps pour émerger enfin, pour revenir à la conscience.

Le temps où tout est vague et vaseux, où le cerveau ne reconnecte pas au traumatisme qui lui a fait donné l'ordre de tout couper.

Il y a ici une odeur d'urine, de sueur, de sang. Une odeur de tripes et de peur.

Tara sait où elle est. Une geôle.

Et puis ses derniers souvenirs déchirent enfin le voile de l'inconscience et tout lui revient.

Elle ouvrit les yeux et il lui fallut quelques secondes pour reprendre contact avec la réalité. Son cerveau refusait de le faire, préférait rester engourdi parce qu'il savait - bien en deçà d'une quelconque conscience. Elle bat des cils, ses mains posées sur le sol sale, comme à l'époque de sa première vie, celle d'une esclave. Le froid de la geôle la glace et le frisson que ça lui arrache ramène brutalement sa conscience et la vision de son fils de cinq ans fracassé contre un pilier de pierre.

NON !

C'est un cri, une déchirure viscérale, la douleur à l'état primal.

ANGELO !

Comme si crier pouvait changer l'ordre des choses, comme si cet espoir infime de pouvoir remonter le temps était possible, comme si Dieu allait intervenir pour sauver l'enfant d'une pensée, d'une simple volonté.

NON NON NOOOOOOOOOON

Ses cris se répercutent en échos, glaçant les personnes dans les autres cellules. Ils n'apaisent rien, et sont aussi inutiles que la douleur de ses propres ongles qui s'enfoncent sur ses cuisses pour les lacérer, sans que la douleur physique n'annihile l'autre, mille fois plus intense. Et brutal, le flot de larmes, elle qui n'a pas pleuré ainsi -vraiment, sans simuler - depuis des années.

Juste à côté, malgré l'épaisseur des murs, Sean sursauta aux hurlements sauvages.

Ils étaient forts, plus forts qu'ils n'auraient dû.

HRP : Observation-routine, parce que Sean a tout le temps (spécialisation fouille possible).

REUSSITE:

Le bruit de la pierre qui frotte sur elle même interrompt le flot de larmes dans un sursaut de peur. Les souvenirs de cet endroit maudit font remonter des réflexes que l'on n'oublie jamais. Tara se blottit contre un mur, terrorisée. Elle est venue ici à deux occasions. Jeune encore juste pour la préparation des esclaves avant les sacrifices, la nécessaire Expiation des âmes basses et viles. Raphael s'occupant d'elle alors - son bourreau déjà, et de sa sœur. La seconde fois c'est lorsque, fiancée au Révérend, elle devait se repentir de sa vie de péchés pour être digne de son épouse. Ah quelle surprise pour Raphael de la voir revenir en brebis désirant se repentir. A nouveau il l'avait éprouvée, le Révérend ne souhaitant pas le faire lui même pour ne pas entacher leur relation future de mari et femme. Quel plaisir et quel tourment avait du endure l'Inquisiteur à faire racheter les péchés de celle qui lui avait échappé pour revenir au giron d'un autre. C'est comme ça qu'elle avait su qu'elle l'aurait si elle voulait. Oh après la mort du Révérend, elle n'avait pas mis longtemps à séduire à nouveau l'Inquisiteur devenu Théocrate. Il la désirait de toute son âme. Autant qu'elle le haïssait et désirait le faire tomber de son piédestal. Et pour quoi à présent ? Pour une rébellion inepte ? Son fils était mort !

Son regard myope perçut le mouvement du moellon se détachant du mur. Recroquevillée sur elle même, elle leva brusquement la tête en retenant son souffle. A quatre pattes, elle gagne le mur et tire la pierre à son tour, s'escrimant pour y parvenir non sans y laisser un ou deux ongles. Elle n'a jamais été très forte Tara. Son souffle haletant, tremblant signale sa présence sans qu'elle soit capable d'articuler le moindre mot comme si elle était frappée de stupéfaction ou de débilité. C'est surtout le seul moyen de ne pas sombrer dans l'hystérie, se taire comme elle s'est toujours tue des années durant.

@Sean O'Connor
@Tara Malone

Je vous laisse le RP. J'interviendrai à un moment... incertain.

La voix de Sean, et tout la submergea à nouveau. Une vague de haine envers ceux qui avaient placé la bombe et blessé son enfant, une vague de haine envers les inquisiteurs qui avaient empêché les soins, une vague de haine contre les Rédempteurs qui n'avaient pas réussi à entraver la folie de Rafael, et une vague de haine pour ce dernier qui avait tué Angelo. La puissance des émotions lui donna le vertige et devant la pierre descellée, elle fut d'abord incapable de parler. Il lui fallut refouler la haine bien inutile dans son état de faiblesse. Sans pouvoir, sans moyen d'exercer une quelconque vengeance, la haine ne pouvait que la ronger comme un acide vénéneux.

Tara reprit son souffle, ravala les larmes inutiles et se nourrit de sa haine pour trouver la force de souffler "Chevalier...C'est... c'est Tara, Tara Malone." L'ange de la rédemption aux ailes brisés, la tenue blanche souillée et l'espoir réduit à néant.