Projet Epsilon

La barge remontait lentement ce que les locaux appelaient le Canal du Sud, qui avait eu pour nom autrefois Duwamish Waterway, une "autoroute" aquatique dans la ville de béton.

Mais aujourd'hui, sauf à savoir que son chenal était sous la masse d'eau qui recouvrait la ville, on ne le distinguait pas.

Partout autour, c'était spectacle de désolation.

Tout ce que l'eau avait arraché, broyé, en commençant par les êtres vivants, tout flottait.

Moah, situé à l'avant, se pencha par dessus le bastingage. Hybbera et Antigua étaient bien à la peine pour remonter l'ancienne voie tant elle était encombrée de tout ce que les eaux avaient drainé. Ils avaient ajusté leur tirant d'eau, mais cela demandait beaucoup d'efforts. D'ailleurs, il jeta un coup d'oeil vers Mera et les trois autres qui l'aidaient à "soulever" la barge. Mera lui fit un bref signe de tête pour confirmer que de ce côté là, ça allait.
Les encombrants n'était pas le seul soucis pour Hybbera et Antigua : l'eau était très chargée encore de toute chose, boues et tout ce qu'elle avait malaxé et broyé et cela rendait la respiration difficile.

Parvenus au Georgetown Reach, Moah donna l'ordre de cesser la progression. Il fit un signe à Hybbera et Antigua pour qu'ils vérifient sous la coque et quand les deux lui marquèrent un O avec leur main, il fit un geste lent de la main vers Mera. Doucement, les quatre Atalantes relâchèrent leur contrôle sur l'eau, laissant la barge revenir en flottaison normale.

- Nous n'irons pas plus loin. Posons-notre barge là.

Il regarde la zone tandis que le groupe fait cercle autour de lui. Hybbera et Antigua attendent, le corps dans l'eau, mais préférant respirer dans l'air, plus "pur" que ne l'est l'eau en ce moment.

- Nous sommes les seuls qui pouvons aller voir sous les eaux. Je ne sais pas. Peut-être qu'il pourrait y avoir des survivants, dans une poche d'air ou autre. Si nous ne les trouvons pas, soit l'air finira par quitter la poche et l'eau monter, soit ils manqueront d'oxygène, soit ils périront d'hypothermie. Je sais que l'eau est dégueulasse, mais c'est maintenant ou jamais. On reste deux par deux, au cas où. Et quand vous n'en pouvez plus, ne jouez pas aux héros. Inutile de mourir alors que nous ne savons même pas si certains ont pu survivre face à cette puissance et violence.

Puis il se tourne vers les deux encore dans l'eau.
- Vous deux, vous y êtes depuis deux bonnes heures. Vous sortez et vous garderez la barge. Ttt... ttt... Je sais, vous voudriez aussi chercher, mais il faut que quelqu'un surveille la barge. Et vous avez déjà bien donné.

Il fait un tour circulaire des autres. Des questions ?

Personne ne se manifeste. Alors il ôte sa chemise qu'il laisse tomber sur le pont et se jette à l'eau.

C'est dur pour moi. Tant que je suis restée concentrée sur le fait de réduire le tirant d'eau de la Barge, ça allait. Je n'avais pas le temps de regarder.

Mais là...

Ce n'est pas tant la désolation. On l'avait tellement vécue auparavant... Avant... Avant la paix. Et de nouveau ça.

Je sens une sourde tension en moi. Il faut que je me contrôle. Je fais n'importe quoi quand je m'énerve. Mais je ne peux m'empêcher d'être en colère. En colère contre la destruction gratuite. En colère en imaginant les milliers de morts, et parmi eux, forcément, des enfants. En colère en imaginant des survivants coincés, sans espoirs, apeurés dans le froid et le noir. C'est cette dernière colère qui me fait réagir, ainsi que l'explication apaisante Moah.

Il sait toujours tempérer mon impulsivité, rien qu'avec sa voix grave et ses mots.

Contrairement à lui, je n'ai pas besoin de me dévêtir : je possède une des rares combinaisons que nous avons mises au point du temps où nous étions en paix.

La colère revient en pensant à la façon dont nous l'avons perdue.

C'est avec hargne que je me jette à l'eau.

Moah est fatigué. Tout est éprouvant dans l'eau : les tôles tordues qui menacent de déchirer la peau, les arbres tordus et déchirés aux branches dressées comme des épées qui menacent de vous empaler, les cadavres qui flottent, souvent dans un état horrible à voir, tant ils ont été broyés par les eaux déchaînées. Et puis il y a cette boue encore en suspension, avec sans doute plein d'autres choses inavouables qui recouvraient les rues : huile, essence, déchets biologiques ou chimiques. Le pire, ce sont les sacs plastiques, déchirés par la violence de l'eau et qui flottent en tous petits morceaux qu'il faut recracher en permanence.

Il y a aussi ce courant, plutôt fort qui tourbillonne au gré des obstacles nombreux, et qui semble se diriger vers le nord-est. Il est étonnamment fort, et puis Moah aurait plutôt pensé que le courant se serait dirigé vers la mer et donc l'ouest. Qu'est-ce qui attirait les eaux à l'Est ? Mais chaque chose en son temps : pour l'instant, trouver des survivants.

N'avoir rien trouvé le mine. A quoi bon tout cela, à quoi bon se ruiner la santé, et engager celle des autres, s'ils ne sauvent personne ? Est-ce que ce qu'ils font n'est que gesticulation inutile, la catastrophe ne laissant aucune chance aux habitants de cette ville ?

Quand il remonte à bord de la barge, il voit que les autres ne sont pas plus au meilleur de leur forme. Il faut dire qu'il est le plus physique de tous, alors si lui même est éprouvé...

Il lui faut une minute cependant pour noter que Mera n'est pas là.

Il bondit sur ses jambes. Il allait, bêtement, poser la question à la cantonade. "Où est Méra ?" Comme s'ils le savaient plus que lui. Il prend la poignée de secondes pour évaluer la situation. La question qui lui vient est plus intelligente.

- Mera est revenue depuis le début des explorations ?

Dès le début, j'ai pressenti qu'il n'y aurait pas de survivant en "surface". Dans les rues de cette cité, seule la mort sortait victorieuse. Je cherche donc un accès vers les sous-sols : une entrée de métro, une bouche d’égout ouverte, je ne sais pas trop. Finalement, je trouve un escalier qui s'enfonce. Iggy me fait signe qu'il n'a aucune envie de me suivre : je le comprends, tout est pénible. Et pourtant, je suis sûre que plus bas, ça doit être moins pire. Moins de déchets en suspension, moins de merde chimique qui me brûle la gorge. Encore que, si on me le demandait vraiment, j'avouerai ne pas en être sûre.

Je hausse les épaules et je m'engage. Un coup d’œil en arrière me confirme qu'Iggy me suit. Il sera furieux, mais il n'a aucune envie d'affronter Moah s'il devait rentrer seul.

Une fois arrivé au premier couloir entièrement inondé, je me rends compte que cela va être compliqué. Tant que je vais de l'avant, c'est sûr, je ne risque pas de me perdre. Mais j'ignore si je serais capable de retrouver la sortir. Iggy essaie une nouvelle fois d'attirer mon attention. Je pense qu'il en est conscient aussi. Bon... J'ai beau être en haut de la chaîne de l'évolution désormais, il n'en reste pas moins que je ne sais pas contrôler la chaleur de mon corps. L'eau est glaciale et malgré ma combinaison adaptée, les effets du froid se font ressentir. Je fais donc signe à Iggy que j'acquiesce. Il est temps de faire demi-tour.

Je sens qu'il est soulagé.

Tandis qu'il repart en prenant notre chemin, je me retourne brusquement. Je pousse sur un mur recouvert de faïence et alors que mon allure était réglée sur la sienne, désormais je joue en individuelle. Je peux donc utiliser ma rapidité accrue. Jamais Iggy ne me rattrapera : il le sait. Et moi je sais que je dois aller vite avant de faire une hypothermie.

J'avance à l'aveuglette, je décide à chaque nouveau croisement ou escalier d'une direction au hasard. L'important est d'aller vite. Je compte sur mon sens de l'orientation pour m'y retrouver après.

Et c'est ainsi, alors que je songe vraiment à m'en retourner, que j'arrive sous dans un espace où je peux voir la surface de l'eau chatoyante. Des jeux de lumière y dansent. Je remonte aussi vite que je peux.

J'émerge dans une salle souterraine et je vois tout de suite des gens qui bougent vers moi. Quelques torches m'éclairent. Je m'extirpe de l'eau avant de m'effondre à genoux, tremblante.

- J'ai si froid.

On me couvre de quelques pièces chaudes, on me sert contre des corps, tout en me pressant de questions.

Je me laisse un peu partir pour récupérer plus vite. Mais les questions incessantes finissent par m'agacer.

- OH ! C'est bon là ? Vous me lâchez ? J'ai failli crever pour venir jusqu'ici, alors un peu de décence !

Mon coup de gueule fonctionne. Je peux maintenant les compter. Ils sont six, sur le toit de ce qui a du être une rame de métro, mais non fonctionnelle depuis longtemps. Ils sont entourés d'eau et de cadavres flottants. Je compte deux corps sur le toit, et il ne me faut pas longtemps pour constater, comme eux, que le niveau de l'eau monte. Doucement, mais il monte. Et au-dessus d'eux, il y a ce plafond de pierre.

Ils se regardent mourir. Je me lève : cela va mieux. Je me dirige vers les deux corps qui ne font pas l'objet de leur intérêt. Le premier m'échappe et glisse dans l'eau.

-Vous bînez pas, m'dame. Il est mort. Depuis hier.

Je retourne l'autre.

Mais qui ?:

-Mort aussi. Cette nuit j'crois.

Vu le tube de métal qui dépasse de son torse, je ne sais même pas comment il a attendu aussi longtemps avant de mourir. Il devait être résistant. Je le fais glisser dans l'eau.

-Et vous savez comment on sort d'ici ? La question est insistante. La peur vibre dedans.

- Qui est mutant ici ? Et quels pouvoirs ? Que je sache ce qu'on peut faire.

Ils s'entre-regardent.
-On est des Néants vous savez...

Oh... Des Néants... Hors de question que je perde plus de temps.

Je me jette dans l'eau, et le froid me saisit. Je ne peux résister à ressortir ma tête. Ils sont tous les 6, là au bord. -Qu'est-ce que vous faites, m'dame ? La peur est encore plus pressante que tout-à-l'heure. Quelque part, leur cerveau reptilien a compris, lui.

- Néant, hein ? L'avenir n'est pas pour vous. Profitez bien de vos derniers instants.

Et je plonge avant d'entendre leur réponse.

J'ai froid et je commence à être vraiment fatiguée. Nager dans cet environnement est difficile, et la respiration reste pesante, parce qu'il y a beaucoup d'éléments en suspension.

Au début, j'ai le sentiment que tout va bien. Je reconnais un tunnel, une barre en métal tordu. Un carrelage en faïence cassé me parle.
Et puis, à un moment donné, après un croisement, je commence à hésiter. Et là, je me dis qu'en revenant en arrière, je vais revenir à un endroit connu. Sauf qu'une fois au dernier carrefour, je tourne en rond. Plus rien ne me parle. La fatigue, la froid, je perds patience et crois reconnaître un détail. Je me précipite. Il faut que je sorte maintenant. j'enchaine plusieurs corridors, en sélectionnant tous ceux qui remontent, mais je finis dans une cavité entièrement fermée et remplie d'eau. Des corps flottent, collés au plafond.

Je repars en marche arrière, enchaine de nouveaux des couloirs en croyant revenir sur mon chemin. Et puis, quand je débouche dans une immense cavité, qui semble être une station de métro noyée, je dois me résoudre à le reconnaître.

Je suis perdue.

Fatiguée.

J'ai froid.

Moah s'était assoupi sur le pont, sous une couverture, pour récupérer.

Il met du temps à sortir de sa somnolence quand on l'appelle plusieurs fois.

Il rejette la couverture, se lève, un peu fourbu, et gagne le bastingage. Iggy est dans l'eau, et ses veines saillent sur sa peau, tant il a froid.

- Remontes vite !

Il lui jette l'échelle de corde et d'autres Atalantes arrivent pour l'aider. C'est alors qu'un point particulier perce les brumes du sommeil. Iggy est à peine à bord que Moah se précipite vers lui.

- Où est Méra ?

Iggy explique, vite. Il n'a pas le temps de finir que le chef des Atalantes se jette dans l'eau.

Il ne réapparaîtra qu'une heure après, avec un corps dans les bras.

Les Atalantes se précipitent pour l'aider, et sont bien surpris quand il dépose à bord une femme vêtue d'une cuirasse de cuir très serrée, d'un pantalon de peaux ajusté, et avec une multitude de tatouages.

- Foutue Méra ! Inconsciente, mais elle en a trouvé cinq coincés dans une bulle. L'eau ne monte pas, mais l'absence d'oxygène commence à se faire sentir. Méra est restée avec eux, pour les rassurer, mais surtout pour les oxygéner dans l'eau. La même façon que j'ai utilisée pour remonter cette femme  : bouche à bouche.

C'est alors que la femme se lève, et titube, et serait retombée sans le soutien rapide d'un Atalante. Elle était encore sous le coup du manque d'oxygène et du froid. Mais dans son regard, Moah devine une urgence.

-La Reine... la Reine...

Les Atalantes se regardent, mais personne ne comprend. Seul Moah n'a pas semblé surpris.

- Chaque chose en son temps. Vos compagnons ont besoin d'être sauvés. Cela vous laisse le temps de récupérer. Ensuite on pourra voir.

-Vous ne... comprenez... pas. Sa vie... avant.. la... notre... et la jeune femme s'évanouit sous l'effort qu'elle produit pour essayer de se relever encore.

Moah fronce les sourcils.

- Que ceux qui restent sur la barge la surveillent bien. Iggy, puisque tu as perdu Méra, et un volontaire pour replonger avec moi. On va chercher Méra et les quatre autres.

Quelques couloirs plus loin, j'avais trouvé une autre poche d'air. Cette fois, le problème n'était pas que l'eau montait, mais que les gens ici devaient y être depuis quelques temps et que l'oxygène s'était raréfié.

D'un certain côté, ce fut pratique, parce qu'ils étaient tellement dans le colletard qu'ils répondirent à mes questions sans résistance mentale.

Je sus donc qu'elles étaient des mutantes, à l'exception de celui ligoté à droite. "Notre prisonnier" fut la seule réponse que j'obtins, en plus de sa nature. Elles essayèrent de me dire des choses en plus, mais elles n'en avaient plus la force ni l'énergie. Je n'étais même pas certaine que l'absence d'oxygène aussi longtemps ne produirait pas quelques effets à long terme. Mais c'étaient des mutantes : je devais les sauver.

Je décidais alors de les amener avec moi, une par une, dans l'eau, puis à les oxygéner en leur faisant un bouche à bouche. Elles risqueraient l'hypothermie, mais plus l'intoxication fatale au gaz carbonique. Le temps que je m'épuise, je savais que les Atalantes me chercheraient. Qu'ils me trouvent - nous trouvent - était la seule chance pour nous sauver toutes les cinq.

Mais avant, je me hâtais de récupérer le prisonnier, de le délier et de jeter loin les cordes pour que personne ne s'étonne de leur présence. Je m'enfonçais dans l'eau avec. Le temps des Humains était terminé.

Après l'avoir redéposé à sa place, je me concentrais sur les quatre mutantes.

C'est parce que j'étais sous l'eau que Moah me repéra, je pense. Nous ressortîmes à l'air. Il n'eut pas besoin de dire un mot : son regard, à la fois soulagé, à la fois furieux, en disait long sur sa colère quant aux risques que j'avais pris - mais jamais il ne reconnaîtrait qu'il venait d'en prendre lui-même pour me sauver. Je souris. Avec 4 mutants à remonter, il n'aurait pas la force de m'engueuler au final...
Mais en même temps, je ne pus m'empêcher de l'admirer. Il était tant de choses que je n'étais pas... Il méritait d'être notre chef. Il en avait toutes les qualités. Dont celle de, littéralement, me repêcher dans tous les ennuis que je créais dans mon sillage.

Après un bref conciliabule, parce que nous étions forcément soumis aussi à un début d'intoxication, nous nous entendîmes pour le "plan de sauvetage". Il prit une des filles avec lui, et partit à la barge chercher de l'aide. Pour ma part, j'allais continuer ce que j'avais commencé pour qu'elles tiennent cette dernière ligne droite. Je n'avais pas dit que l'humain était déjà mort. Il valait mieux qu'ils le découvrent en revenant ici. Je dirais qu'il n'avait pas tenu à la tentative de sauvetage sous les eaux.

En attendant, je fis vraiment ce que je pus pour les trois qui restaient.

En toute logique, Moah avait décidé de laisser le mort sur place. Inutile de risquer la vie d'un des Atalantes pour remonter son corps; Bien sûr, selon lui, il méritait une sépulture plus digne. Mais combien de personnes ici en méritaient tout autant ? Il fallait être réaliste et pragmatique dans les situations les plus désespérées.

Une fois de retour à la barge, ils placèrent leurs passagers sous d'épaisses couvertures, mais aussi sous garde. Les propos d'apparence incohérents de la première rescapée avaient amené à cette décision.

Méra, elle, ainsi que ceux qui avaient mené cette mission de secours éprouvante prirent rapidement le dîner qu'on leur proposa et partirent dormir pour récupérer. Moha, lui, n'était pas moins fatigué que les autres, mais son éducation et sa vie l'avaient habitué à endurer le manque de sommeil.

Et puis, il avait besoin de réfléchir.

Le garde le trouve sur le pont quand, au mi-nuit, il vint le prévenir que la première rescapée demandait à pouvoir sortir de la pièce où ils étaient enfermés, et venir sur le pont lui parler. Moah donna son accord d'un simple signe de tête.

Quelques minutes plus tard, des pas nus très silencieux, mais pas assez habitués pour éviter quelques craquements du bois du point, le firent se retourner. Avant même que la jeune femme lui parle, il fit un salut de la tête.

- Je m'appelle Moah. Les personnes sur cette barge m'ont fait l'honneur de me confier la direction de notre groupe. Nous sommes les Atalantes, les Mutants de l'Eau. Nous venions à Seattle pour promouvoir notre vision pour les Mutants doués des mêmes capacités que nous. Mais vous savez ce que nous avons trouvé à notre arrivée.

Il se tue, sans cesser de la fixer, mais pas avec insistance, ni bienveillance d'ailleurs. Son regard exprimait une forme de curiosité, et une neutralité certaine. Elle le jaugea un certain temps : il sut qu'elle pesait le pour et le contre quant au niveau de confiance qu'elle pouvait lui accorder. Finalement, elle soupire.

-Je me nomme Ovid. Je suis une Amazone, la gardienne d'une personne très importante ici à Seattle, qu'on nomme la Reine des Amazones. Votre projet, c'est à elle que vous l'auriez expliqué je crois. Cependant, je ne m'occupe pas de ce genre de choses. Ma tâche, et celle des autres que vous avez ramenées, est de protéger la Reine au sacrifice de leur vie s'il le faut. Mais vous avez compris qu'il s'est passé ici une catastrophe qui dépasse... nos compétences. Il faut que nous retournions de toute urgence chez les Wilds. Les mutants qui vivent sous l'autorité de la Reine au nord de Seattle. Pouvez-vous nous y mener ?

Moah eut un sourire compatissant, et secoua affirmativement la tête.
- Nous vous ramènerons chez vous, autant que nous pourrons nous avancer avec la Barge. j'ai compris que vous étiez dans l'urgence, mais je ne rien faire avant demain. (alors qu'elle donne l'air de vouloir protester, il lève une main. - Vous devez comprendre Ovid que naviguer avec la barge sans savoir ce que nous avons sous la quille est inconscient. Les Atalantes sont à l'aise avec l'eau, et dans l'eau, mais pas mieux que n'importe qui sur terre de nuit. Pire, là-dessous, il reste beaucoup de choses en suspension, et pas seulement des boues naturelles : quand nous y sommes, nous devons la respirer et essayer de ne pas nous asphyxier. Et le froid ne nous épargne pas plus. Je ne mettrais pas les membres de ce groupe en danger pour une urgence qui n'est que la vôtre. A moins qu'elle ne doive être nôtre ?

A la réaction de l'Amazone, il était évident qu'elle avait compris le double-sens de sa question. D'évidence, elle se résigna à attendre, ce qui signifiait que cette urgence était quelque chose qu'elle ne pouvait pas - ou ne voulait pas - partager avec lui.

-Je serai déjà partie si je pouvais. Mais l'environnement a changé... Euphémise, n'est-ce pas ? Nous attendrons demain matin. Et au nom de mes Soeurs, je vous présente nos remerciements pour nous avoir sauvé la vie... Même si je regrette qu'à cette occasion, notre prisonnier n'a pas survécu... Sur ce, elle le salua, et s'en retourna récupérer. Puisqu'elle était bloquée ici, elle prenait intelligemment le partie de se préparer au moment où elle pourrait quitter la Barge.

Moha lui resta pensif. Sans rien dire, elle lui en avait dit beaucoup. La Reine dirigeait les Wilds, au nord. Et sa garde rapprochée était ici, au sud. Ils avaient donc été surpris par le phénomène. Simplement, elle ne voulait pas dire pourquoi leur chef était loin de ses terres. Et ce n'était pas tout : il s'était passé autre chose : on ne traine pas un prisonnier sans raison. A cette idée, il soupira. Il avait vérifié la mort de l'individu, et rien n'indiquait qu'il était prisonnier. Il fallait qu'il parvienne à savoir comment les "Amazones" traitaient leurs prisonniers : avec des liens physiques, mentaux ? Car derrière ces questions, il y en avait d'autres, plus dérangeantes, concernant Méra.

Finalement, cette entrevue lui avait été utile, au moins pour lui révéler qu'il commençait à fatiguer. Il s'assura que la garde sur le pont était en place, ainsi que celle à la cabine des rescapées, puis se retira.

A chaque jour sa peine.

La suite