Projet Epsilon

partie non écrite

dans le calepin

Journal de Joshua

C'est la première fois que je peux véritablement écrire mon journal. Avant je ne le faisais que dans ma tête, personne ne me donnait de papier ou de stylo. C'est différent de l'écrire que de le penser à cause de la permanence de l'acte. Ce que j'écris restera, cela me procure à la fois satisfaction et crainte. Nous ne sommes que mi-journée et celle-ci a déjà été bien remplie.
Ce matin, au petit déjeuner, j'ai pris une des pilules jaunes. Celles qui permettent d'avoir mon pouvoir. Papa appelait ça un don. La blague. Ça a fonctionné, très bien fonctionné, trop bien. La sensation a été étrange. D'abord tout était plus clair, je percevais le monde sans cette impression de brouillard mauve dont je ne me rendais même plus compte par la force de l'habitude. C'était bien sauf qu'après ça a recommencé.

Gypsy m'a embrassé. C'était plus merveilleux que tout ce que je pourrais dire. Plus doux que tout ce que j'ai jamais connu. Mais elle ne le voulait pas. C'est seulement moi qui le voulait. Ce n'est pas moi qu'elle a envie d'embrasser c'est Caleb. Je dois être Caleb, mais pas pour tout. Je dois juste faire illusion auprès des autres, comme cet après-midi avec Ruby ou l'autre fille, Mewan. C'est difficile parce que si je lui ressemble et que personne ne connait mon existence, moi je ne le connaissais pas. J'ai du vivre avec lui jusqu'à l'accident mais je n'ai aucun souvenir de lui. Peut-être que c'est trop jeune pour se souvenir ? C'est surement mieux, j'ai peur de me souvenir parce que ça ramènerait aussi à la surface la mort de nounou dont je n'ai que de vagues bribes déjà bien assez terrifiantes.

Après nous sommes allés en ville. C'est là que j'ai pu acheter ce carnet, et deux livres ! C'est la première fois que j'achète quelque chose. La journée était très bien jusqu'à ce que je gâche tout en sortant sur le pallier. On a du rentrer très vite parce qu'ils croient que je suis Caleb et qu'ils lui veulent du mal. C'est pour ça qu'il est mort, mais je ne sais pas pourquoi. Je n'ose pas parler de lui parce que Gypsy est triste après. Là elle est en colère. Je l'entends qui s’entraîne à lancer les couteaux dans la salle près de ma chambre et elle a voulu acheter une autre arme à l'Inventeur. ça me fait peur aussi.

Je n'aime pas le Centre, mais j'y avais mes repères. Je savais ce que je devais faire, je connaissais les règles et je pouvais m'y adapter. Ici tout est nouveau et je ne sais jamais si je fais bien ou pas. J'oscille constamment entre la joie et la peur, c'est épuisant. Gypsy me parle comme à un enfant elle aussi, comme le personnel du Centre le faisait. Tout le monde le fait, sauf les autres patients et Kelly. Elle ne me parlait jamais comme à un enfant mais elle est partie quand même. Tout le monde part. Gypsy a raison. Je ne sais rien faire tout seul et elle est obligée de me surveiller tout le temps. Elle dit que ça l'aide que je sois là mais je crois qu'elle dit ça uniquement pour me faire plaisir ou parce que je ressemble à Caleb. Parfois j'ai envie de me lacérer le visage pour ne plus lui ressembler. Mais alors je devrais retourner au Centre et ça je ne veux pas du tout. J'ai faim à présent, mais j'entends toujours Gypsy s’entraîner. Il reste des légumes farcis d'hier, je vais les faire réchauffer, si jamais elle a faim elle aussi. ça au moins j'appris à le faire !

Le reste de la journée a été aussi riche en enseignement que la matinée. Nous avons fait du roller, et c'était très amusant, surtout qu'ils sont améliorés pour aller très vite. Gypsy les appelle les rockets skates. Elle m'a montré la moto e Caleb et m'a dit que je pourrais apprendre à en faire. C'est une idée qui me plait bien, même si nous devons rester sur l'Ile. J'aime l'idée de pouvoir aller et venir à ma guise et c'est dehors que je me sens le mieux. Dans la maison, nous devons mettre le verrou et ça me rappelle le Centre. Heureusement il y a la baie vitrée dans le salon.

Nous avons discuté sur la possibilité que j'arrive à contrôler mon pouvoir et j'ai dit à Gypsy que je voulais continuer à prendre les pilules jaunes. Nous avons fait un autre essai en préparant un liste de choses à laquelle je dois penser pour ne pas laisser mon esprit et mes envies vagabonder. C'est plus facile ainsi et j'ai moins peur de faire des bêtises. L'expérience s'est révélée fatigante, c'est très dur pour moi de se concentrer constamment même si je me sens mieux depuis que je ne prends quasiment plus de médicaments.

Je n'ai pas réussi à faire grand chose, c'est très frustrant. Gypsy me dit que c'est bien, mais elle m'encourage comme un enfant bien qu'elle dise que je n'en suis pas un. Je comprends qu'elle me traite ainsi, il y a si peu de choses que je sais faire. Je dois me montrer patient mais c'est difficile, je voudrais savoir tellement plus. Peut-être qu'elle m'aimerait si je savais plus de choses. Elle est toujours si triste que ça me rend triste moi aussi. Même dans son sommeil, ses traits au repos sont empreint de cette tristesse. J'ai mis une couverture sur elle parce qu'elle s'est endormie dans le canapé. Je peux la regarder à loisir, détailler les traits de son visage. La petite fille de mes rêves a retrouvé son visage. Demain nous allons voir mon père. J'appréhende ce moment mais je crois qu'il est nécessaire. Je ne comprends pas pourquoi tous ces secrets. Est-ce seulement le Dr Bell qui est à l'origine de tout ça. Est-ce à cause de moi et mon pouvoir ? Pourquoi a-t-on dit à mon frère que je suis mort. Et ma mère... ? J'ai des milliers de questions sans réponses.

Je veille sur Gypsy qui dort paisiblement, j'espère que dans ses songes, elle est heureuse. Rêve-t-elle de lui ? Mais je ne dois pas penser à ça. Il est l'heure d'aller dormir moi aussi, demain sera encore une journée importante.